Il est rare que les policiers ramènent une arme blanche comme preuve. Maître Djediat va alors... Le client de Maître Mohamed Djediat est détenu. Il est poursuivi pour coups et blessures volontaires à l´aide d´une arme blanche. Un certificat médical de six jours se trouve dans le dossier qui est sous les yeux de Hadj Rabah Barik, le président de la section correctionnelle du tribunal de Koléa (cour de Blida). Après un renvoi, la victime n´est toujours pas à la barre. Le juge passe outre: «On poursuit, on dépose plainte. On fournit un certificat de cessation de travail et le jour de la confrontation, l´horizon est vide», pense haut le juge du siège qui adore avoir en face de lui les parties en présence. La loi permet au magistrat d´exploiter les procès-verbaux d´audition, mais tout de même... Au plus profond de ses tripes, Maître Djediat jubile. Il aime bien être à la barre, à l´aise, personne en face pour le désarçonner ou l´interrompre durant les débats... outre une arme tapie dans les tréfonds de sa cervelle, l´avocat de Patrice Lumumba d´Alger, garde le ferme espoir, de tout entreprendre, juste de quoi sauver les membres que le «feu» de l´inculpation menace à la barre... Saoudi C., la vingtaine dépassée à peine, a un regard tristounet. Son regard est éteint. Son visage est livide, sa mine est défaite. La cause de ses «éteint», «livide» «défaite», provient des coups donnés et reçus, des menaces émanant de l´inculpation et surtout d´une légitime trouille si jamais le tribunal le condamnait au ferme. Passant en flagrant délit, Saoudi répond d´une voix inaudible, faible, abattue. Et il répond par bribes. Maître Djediat, son avocat, a dû probablement le sensibiliser autour des réponses à donner: «Tu ne répondras pas à côté. Et surtout ne commente pas tes réponses. Evite de te contredire. Il te faudra redire ce que tu avais déjà dit durant l´audition», avait dû souffler le défenseur qui était ce dimanche, debout en face de Malek Drissi, le représentant du ministère public, comme pour se préparer à un assaut contre la citadelle du ministère public en guise de défi. Plus tard, le conseil tirera, probablement (excusez la répétition), sa cartouche de sauvetage, de son protégé de la semaine, de la prison où il est durant la détention préventive. Ce qu´il faut mettre en exergue, c´est l´insistance de Hadj Barik, le président pour connaître le ou les motifs de ces histoires dramatiques: avant, le procureur rappelle l´usage du couteau... «Dites-nous un peu, inculpé. Pourquoi êtes-vous arrivé aux échanges de coups, car c´est connu que lorsqu´on reçoit des coups, on en donne», dit entre les dents le juge. Saoudi ne va pas par quatre chemins. Et on dirait qu´ils s´attendait à ce genre de sortie du tribunal. «Il m´a insulté. Il m´a humilié. C´est lorsqu´il m´a donné un violent coup sur la nuque en tenant des propos indécents sur ma mère alitée et souffrante que j´ai vu rouge», a répondu le détenu qui a eu le temps d´expliquer que les insultes proférées à l´encontre de sa maman, lui ont fait plus mal que le violent coup asséné par traîtrise et par derrière la tête. Hadj Barik acquiesce du chef et passe alors à Drissi, le procureur qui n´a aucune question à poser, tout comme Maître Djediat qui piaffait d´impatience en vue de plaider ce dossier et d´en finir avec. «Dix-huit mois de prison ferme», siffle le représentant du ministère public qui va passer sept minutes infernales face à l´avocat de Patrice Lumumba, lequel va sortir la grosse artillerie: «M.le Président, mon client a été correct depuis le début. Il a dit la vérité. Il a tout dit et comme vous l´aurez remarqué, il n´y a eu que le procureur qui a évoqué l´arme blanche. Alors, M. le Président, puisque l´honorable poursuivant est si sûr de lui en parlant du couteau, qu´il veuille bien étaler ici, maintenant, sur le pupitre du tribunal, cette fameuse arme blanche. Et ce sera alors dans ce cas et seulement dans ce cas, que le tribunal peut infliger une peine de prison et ferme, SVP», a dit Maître Djediat qui savait, en avocat avisé, que cette situation est vraiment rare.