Nous nous sommes toujours demandé pourquoi les auteurs de coups et blessures volontaires faisaient la «tête» pendant toute la durée des débats... Deux jeunes, bruns, sont debout à la barre face à Barik, le juge de Koléa de la cour de Blida. Ils sont là pour répondre de coups et blessures volontaires réciproques ayant occasionné des arrêts de travail de douze et huit jours... La victime porte un morceau de sparadrap de huit centimètres sur l´oreille gauche. Mohammed Amine, la victime, écoute son adversaire Badji, raconter la rixe au couteau. Les propos sont confus. Il est vrai que dans ce genre d´affaires, on ne saura jamais le pourquoi des rixes. Or, dans ce dossier, Mohammed Amine se plaint que Badji ait agressé sa...mère. Et puis, Barik a vite envie de vérifier l´ampleur de la blessure. Mohammed Amine s´avance du pupitre, se baisse, ôte le sparadrap et permet au président de constater l´état de la blessure. Un état que lui seul gardera pour le délibéré à la fin des hostilités. Une stratégie somme toute sympathique, car le juge du dimanche adore les plaideurs qui vont droit au but. Le tout en présence de Maître Hayet Kadi et son adversaire du jour, Maître Farida Noumri qui a su se mettre au diapason d´une défense plutôt raisonnable et respectable. Maître Kadi cherche à savoir si son client avait chuté lors de la pluie de coups de poing. Pour Mohammed Amine, Maître Kadi rappelle que les faits remontent déjà à vingt-cinq jours et montre au juge des photos de la profonde blessure occasionnée à l´aide d´une arme blanche. «Monsieur le Président, ce dossier ne commence pas à ces coups et blessures. L´inculpé agresse cette famille depuis 2006. Les deux familles se poursuivent au civil et nous voilà à la correctionnelle», s´était offusquée l´avocate «rebelle» lorsqu´elle constate des dépassements «200 000 dinars» sont réclamés à titre de dommages alors que Malek Drissi, le problème, demande «trois ans ferme et 200.000 dinars d´amende». Ces demandes sont faites sèchement, sans être accompagnées par des explications autour du pourquoi on a réclamé une peine de trois ans ferme. Cela relève du mystère du parquet... Maître Noumri, pour le détenu va plaider à contre-courant de son aîné Maître Kadi. «Ce sont deux familles voisines qui connaissent beaucoup de problèmes quotidiennement. Pour ce malheureux dossier, nous avons deux agresseurs et deux blessés. Notre client aussi a reçu des coups de lame à la cuisse droite et il regrette de ne pas pouvoir nous montrer la cicatrice. Mon client n´est pas un agresseur. Il a eu un geste d´autodéfense. Il a usé de la légitime défense. La loi a prévu ce cas, car il ne pouvait pas rester les bras croisés devant les attaques répétées de ce voisin. Les circonstances les plus larges sont demandées. Et la jeune avocate de tenter d´émouvoir le tribunal, car Hadj Rabah Barik, ce juge du siège qui n´oublie jamais qu´il a juré de n´obéir qu´à la loi, sait à quoi s´en tenir dans ce genre de dossiers. Maître Noumri avait axé son paquet d´interrogations et d´exclamations, tout comme son aînée, Maître Kadi, autour de «prières» en direction du tribunal dont le réflexe numéro un est de retenir les preuves. L´intime conviction n´effleure jamais les juges du siège des tribunaux ou leurs collègues des chambres pénales. C´est pourquoi, en infligeant un an d´emprisonnement ferme, le tribunal a, semble-t-il, mis en branle, le fait que les preuves se trouvant sous les yeux ont mené droit le président vers un verdict plus ou moins indulgent au vu des trois ans souhaités par le représentant du ministère public. Y aura-t-il appel? Du côté du détenteur de l´opportunité des poursuites, c´est plus que sûr, vu que depuis de longues années, l´appel, voire la cassation, sont devenus monnaie courante, sauf s´il se trouve un procureur en titre qui a le sens de l´humanisme et qui considère donc que la peine infligée est plutôt suffisante.