La rue arabe et musulmane, à travers le monde entier, couve une grande colère quand cela ne tourne pas aux manifestations et à l'émeute. Les frappes américano-britanniques contre l'Afghanistan, l'appel de l'organisation de Ben Laden au djihad contre l'Amérique, cet éternel «grand satan», conjugués au profond sentiment d'injustice partagé par les peuples arabes et musulmans concernant la question palestinienne, constituent un mélange explosif qui risque de menacer la stabilité de plusieurs pays du monde arabo-musulman. A Bagdad, ce ne sont pas moins de 15.000 Irakiens, dont une majorité d'étudiants, qui se sont joints à une manifestation qui a débuté près de l'université d'Al-Moustansiriya. «A bas le terrorisme américain contre l'islam et le monde arabe», pouvait-on lire sur les calicots brandis par les manifestants. Dans la capitale égyptienne, plusieurs milliers d'étudiants ont manifesté, mardi, pour la deuxième journée consécutive, fustigeant les dirigeants américains et britanniques et brûlant des drapeaux des deux pays. A l'université du Caire, mais aussi à l'université d'Aïn Chems, de Kafr Al-Cheikh et de Mansoura, une grande foule d'étudiants a scandé des slogans hostiles à Bush et à Blair. L'expulsion de l'ambassadeur américain en Egypte est même exigée par certains manifestants, alors que fusaient d'entre les manifestants des slogans tels que «Afghans, Palestiniens, vos terres sont les nôtres, votre religion est la nôtre !» Mais le nom de Ben Laden n'a pas été entendu durant ces différentes manifestations. Au Soudan, des étudiants et des miliciens pro-gouvernementaux ont manifesté, hier, à Khartoum condamnant les frappes américaines et soutenant ouvertement Ben Laden. A Quetta, au Pakistan, la police a ouvert le feu lors de nouvelles manifestations violentes. Cinq personnes sont mortes après l'intervention de la police. La foule a incendié des cinémas, un poste de police, une caserne de pompiers, un centre commercial et un local de l'Unicef, un jour avant. La violence de mardi serait imputable au refus de la police de laisser les manifestants entrer dans la ville de Quetta. Hier aussi, dans la capitale indonésienne, Jakarta, c'est un millier de personnes qui a conspué les Etats-Unis et tenté brièvement de forcer la grille du Parlement lors du plus grand rassemblement en trois jours de manifestations anti-américaines dans le plus peuplé des pays musulmans au monde.