Contrairement à la Tunisie et l´Egypte, la Syrie a compris que la véritable bataille pour faire face à la Révolution arabe, c´était la communication. Et dès le départ, Damas a muselé la presse internationale, même les journalistes arabes qui tentaient de jouer aux reporters sans frontières. Mais la contre-attaque de Damas contre les médias arabes, et plus particulièrement Al Jazeera, était avant que celle-ci installe l´intox dans les informations qui étaient diffusées par la chaîne qatarie. Pour ce faire, Damas pouvait compter sur la chaîne syrienne Dounya TV. Celle-ci devient de plus en plus populaire en Syrie, mais aussi au Moyen-Orient et dans le reste du Monde arabe, à cause de sa manière de traiter les événements en Syrie. Dès le départ, elle a adopté un ton sans concession, à la limite de la méchanceté débridée, développant un contenu critique à l´égard des opposants du régime de Bachar Al Assad et qualifiant les médias arabes qui couvrent la répression en Syrie de «chaînes ennemies de la Syrie». Dounya TV s´est illustrée en invitant des intervenants syriens, mais aussi iraniens et libanais pro-syriens, lesquels sont chargés d´apporter la contradiction aux invités d´Al Jazeera ou d´Al Arabya. Dounia TV a été créée il y a quelques années dans le cadre de la «libéralisation» de l´information et financée par un petit groupe d´hommes d´affaires très proches du régime de Bachar Al-Assad. Avec son habillage moderne, ses plateaux en dialecte syrien, ses invités jeunes et beaux dans un salon ou autour d´une piscine et ses reportages de terrain, Dounia TV se veut «la voix des gens et l´image de la vie». Bien mieux que la télévision officielle, elle joue un rôle efficace dans le dispositif de propagande médiatique du pouvoir depuis le début de la révolte. En interrogeant des citoyens syriens ordinaires dans les rues ou des comédiens et sportifs populaires en studio, la chaîne fait dire à ses invités combien ils sont satisfaits des autorités qui luttent officiellement contre des «groupes terroristes venus de l´étranger». La chaîne est suivie, autant par ceux qui la soutiennent, que par ceux qui la détestent mais qui restent captivés par la dureté des propos et le ton direct utilisé pour nommer tel ou tel responsable, sans détour ni temps perdu en allusions et effets de style. Insultes, calomnies, provocations, tout est permis par cette chaîne qui, de temps à autre, tente tout de même de faire passer quelques analyses favorables au régime syrien. Le plat de résistance des programmes, ce sont ces montages (présentés comme tels), où le présentateur commente en rigolant des images confuses de gens qui courent dans la rue, des éclats de voix, des sons de coups de feu, soit la simulation d´un reportage sur des troubles dans des villes arabes où il n´y en a pas. Une manière pour Dounya TV (le Monde en arabe), de dire à quel point il est facile aujourd´hui de fabriquer de l´info et de l´intox. Le fait est qu´avec Dounya TV, la Syrie, qui a déjà une longue tradition dans l´audiovisuel, vient d´inventer la première «contre-télévision» arabe, comme d´autres ont inventé des contre-journaux ou des contre-radios. Un nouveau style qui sort du modèle figé des «télévisions bureaucratiques» et qui plaît à ceux qui aiment bien que la télévision soit d´abord, et avant tout du spectacle. [email protected]