Cette élite doit se distinguer par l'absence totale de violence pour enlever au pouvoir le justificatif de la répression. Pourquoi les élites algériennes ne veulent-elles pas accompagner le changement? Cette question qui se pose avec acuité a été le sujet d´une conférence débat animée, hier, par l´ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, organisée par le Centre «Espoir de la nation» au siège du journal El Chourouk. D´emblée, M. Benbitour a souligné que les élites algériennes sont marginalisées et corrompues par le pouvoir qui les maintient dépendantes de lui. Cette dépendance est matérialisée, a-t-il estimé, soit par l´emploi pour les personnes, soit par «des subventions apparentes ou déguisées pour les partis politiques et les organisations de la société civile, soit par des prêts et des contrats pour réussir rapidement dans les affaires». Dans ce sillage, le conférencier a relevé que la corruption est généralisée et touche toutes les composantes du système, ce qui débouche sur un Etat défaillant. Cet Etat défaillant dérive, a-t-il ajouté, «vers un Etat déliquescent compte tenu de la faiblesse sinon de l´absence de la puissance régalienne de l´administra-tion». Pour lui, un Etat déliquescent se caractérise, entres autres, par la généralisation de la corruption, l´institutionnalisation de l´ignorance et de l´inertie et le culte de la personnalité. Benbitour plaide de ce fait pour le changement de système et estime que les consultations politiques actuelles menées par le président du Sénat ne donneront rien de positif. Pourtant, le système actuel repose sur plusieurs facteurs pour se maintenir. Et à Benbitour de les énumérer. Il y a d´abord, l´abondance des revenus à la disposition du gouvernement. Il y a ensuite, le faible niveau de mobilisation populaire et enfin, la valeur stratégique des hydrocarbures pour les puissances internationales. Même avec ces facteurs et bien d´autres qui plaident pour le maintien du système, M. Benbitour estime que le changement est inéluctable. C´est dans ce contexte que le conférencier s´est attelé à expliquer le rôle «primordial» que doit jouer l´élite dans le processus de ce changement tant voulu. Il dira que ces élites doivent se distinguer par l´absence totale de violence ni dans le verbe ni dans l´acte lors de revendications pour enlever au pouvoir le justificatif de la répression. Il est demandé aussi de ces élites «la clarté intellectuelle et la culture démocratique dans le travail au changement». Pour le conférencier, la présence d´une personnalité qui assume le leadership est très importante pour amorcer le processus de changement. «Si les élites perdent la conduite du changement aujourd´hui, cela veut dire que leur marginalisation sera définitive», a-t-il martelé. Quant aux missions de ces élites, le conférencier les résume en cinq points. On cite l´intériorisation de la nécessité du changement dans le calme, l´élaboration d´une force motrice et d´une vision et le repérage de personnalités d´appui qui apporteront le soutien nécessaire à la mobilisation. Mais pour mener à terme ce combat pour le changement, l´ancien chef de gouvernement demande à l´élite d´innover en matière de travail politique et des instruments de changement. Il estime que le peuple a deux choix dans les conditions actuelles: soit faire la révoltes d´où sera exclue l´élite, soit faire la révolution où l´élite aura un rôle important à jouer. Pour lui, le pouvoir est devant deux choix: ou maintenir le statu quo avec les solutions de rafistolage ou faire participer l´élite pour un véritable changement.