«Tourner la page du passé et regarder vers l'avenir» Les dossiers politiques sont en instance. Des projets, des promesses et rien de concret. Jean-Pierre Chevènement emboîte le pas à Alain Juppé sur le passé colonial de la France en Algérie. En visite de cinq jours dans notre pays, le nouveau président de l´Association France-Algérie a animé, hier, une conférence de presse au cours laquelle il a appelé les Algériens à «tourner la page du passé et regarder vers l´avenir». M. Chevènement a estimé que le passé est passé et que la page doit être définitivement tournée. Utilisant un langage diplomatique, il ajoute quelques détails qui laissent planer l´ambiguïté sur sa position. «La France doit prendre conscience de son passé colonial en Algérie, mais il faut savoir regarder ensemble vers l´avenir», a t-il déclaré. Et de préciser: «Je pense que sur le passé, il faut certainement en parler mais en ayant toujours à l´esprit qu´il ne faut pas obscurcir l´avenir.» L´ancien ministre français de la Défense s´est dit optimiste quant à l´avenir des relations entre les deux pays. «Je suis optimiste, je ne veux pas insulter l´avenir commun de l´Algérie et de la France», a-t-il affirmé. Sollicité par les journalistes sur sa position quant à l´acte de repentance de la France sur son passé colonial en Algérie, M. Chevènement a estimé que la question de la mémoire doit être discutée sur la base d´une confiance mutuelle en laissant le dossier aux historiens pour faire leur boulot. Et d´ajouter que la question de mémoire entre Alger et Paris aurait été bien traitée, s´il y avait un équivalent de la Commission vérité et justice de réconciliation, qui a existé en Afrique du Sud, pour plancher sur le dossier. «Une telle commission permettra à tout un chacun de venir témoigner. A ce moment-là on entendra des choses bouleversantes de part et d´autre», a-t-il expliqué. Il a dévoilé avoir donné la même réponse au secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem avec lequel il a abordé cette question. «J´ai bien dit à M. Belkhadem que je préfère le travail de conscience. C´est dans l´intérêt de la France et de l´Algérie d´oeuvrer dans le sens de la conscience» sur la question de mémoire. Et de soutenir «qu´il n´y a aucune crise entre Alger et Paris». En fait, les déclarations de M. Chevènement n´ont rien apporté de nouveau comparativement à celles des officiels français. Il a préféré parler de «conscience» plutôt que de repentance. Ce n´est qu´un changement lexical qui n´apportera certainement pas un autre souffle à ce dossier. Chevènement n´a fait qu´emboîter le pas au ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Ce dernier a qualifié la question de repentance d´«éternel ressassement». Il avait affirmé clairement que les Français «n´étaient pas encore prêts» pour s´excuser auprès des Algériens. «Si on pouvait sortir un petit peu de ce ressassement éternel du passé pour voir ce que la France et l´Algérie peuvent faire dans un monde qui est en plein changement (...) je pense que cela serait bien mieux que de s´interroger à nouveau sur ce qui s´est passé il y a un siècle, il y a 40 ou même 50 ans», avait-il déclaré. Comme l´avait souligné M. Juppé bien avant lui, M. Chevènement rejette l´idée selon laquelle il existe des «sujets qui fâchent» entre Alger et Paris. En début du mois, l´Algérie avait accueilli Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français. Il a été chargé par le président Nicolas Sarkozy de discuter des questions économiques. Il faut le souligner, en dépit des accords signés ces derniers temps dans ce domaine, la coopération économique entre les deux pays est en deçà des attentes, sachant que la France est premier partenaire commercial de l´Algérie. Sur les dossiers lourds, aucune avancée n´a été annoncée. L´installation d´une usine Renault en Algérie n´est qu´un projet mort-né. Cette question est restée au stade de blocage. Depuis des années que ce constructeur automobile vend du vent aux Algériens... Il reste trois autres importants dossiers économiques qui connaissent un blocage. Homme politique de carrière, M. Raffarin évite de parler des dossiers politiques et, notamment celui de la mémoire. Du côté, français on préfère les affaires. Le volet politique est au point mort. Plusieurs questions freinent l´avancement des relations entre les deux pays. Sur le dossier du Sahara occidental, la France et l´Algérie divergent. Sur la question de l´Union pour la Méditerranée, les deux capitales ne partagent pas le même point de vue. La coopération reste au stade de projet en ce qui concerne la question des Archives. Le dossier relatif aux essais nucléaires français dans le Sahara algérien reste toujours en stand-by. A la lumière de ces données, les dossiers politiques sont en instance. Des promesses, des projets et rien de concret.