Le bilan est plus que mitigé pour la coalition anglo-américaine qui n'arrive pas à s'extraire du piège irakien. Quoiqu'en disent les responsables américains et britanniques, en Irak ce n'est certainement pas la joie, et les objectifs que la guerre s'est assignés sont loin d'avoir été réalisés. Singulièrement cette histoire des armes de destruction massive que détiendrait l'Irak qui donna lieu au plus grave piétinement des lois internationales et à l'ignorance délibérée de la charte de l'ONU de la part des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne qui organisèrent l'envahissement et l'occupation d'un Etat souverain. Washington et Londres qui, hier, trouvaient que le temps n'est plus aux tergiversations et qu'il est urgent d'attaquer Saddam Hussein, sous le prétexte de sa capacité à rendre opérationnel dans «les 45 minutes» son arsenal d'armes de destruction massive, demandent aujourd'hui à la communauté internationale d'être patiente et de leur donner le temps nécessaire pour rechercher les introuvables ADM irakiennes. Or, Américains et Britanniques, eux-mêmes admettent aujourd'hui, que les pseudo-menaces nucléaires irakiennes étaient sans fondement. Ainsi, la Maison-Blanche avait formellement admis mardi que «le président Bush n'aurait pas dû affirmer dans son discours sur l'état de l'Union (28 janvier), que l'Irak avait tenté de se procurer en Afrique de l'uranium» pour reconstituer son programme nucléaire militaire. A l'époque déjà, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohammed El Baradéi avait démenti les assertions américaines et affirmé que les documents présentés étaient des faux. Ce que confirme, à retardement, une sorte de mea-culpa, mardi, de la présidence américaine. De fait, la polémique autour des ADM irakiennes est appelée à se prolonger dans les semaines et mois à venir. Cela, d'autant plus, qu'après trois mois de présence en Irak et de recherches intensives, par plus de 1500 experts américains et britanniques, aucune trace d'armes qu'elles soient chimiques, nucléaires ou biologiques n'a été découverte en Irak et que sans doute ne le sera jamais, car il y a une limite que même les Américains ne peuvent dépasser et au-delà de laquelle toute trouvaille ne pourra qu'être suspecte. Mais le mal, et le fait accompli sont là, et les Américains ne cachent plus que leur présence en Irak s'étalera dans la durée. Dès lors, nous revenons à la cause logique et première de la guerre imposée au peuple irakien, la mainmise stratégique de Washington sur les richesses pétrolières du pays dont les Etats-Unis ont un besoin vital. Mais, d'ores et déjà cette occupation, au long cours, se fait dans la douleur et les Irakiens, -que ce soient les «débris» qui restent du parti Baâs, des Fedayin de Oudai Saddam Hussein, les milices chiites au sud, sunnites au nord, ou plus simplement l'Irakien basique qui refuse l'occupation-, se battent quotidiennement pour recouvrer leur liberté à nouveau confisquée, arrivant même à infliger des pertes aux soldats américains. Cela est surtout vrai depuis la mi-juin où les groupes de résistance irakiens semblent mieux organisés et avoir trouvé de nouvelles raisons de se battre contre les occupants américano-britanniques. Après avoir, au mépris du droit international, attaqué et occupé un Etat souverain membre des Nations unies, les Etats-Unis, -dont l'administrateur en chef en Irak, Paul Bremer, ne cache pas son arrogance pour les hommes politiques irakiens-, attendaient sans doute du peuple irakien un accueil plus chaleureux que celui qui leur est réservé par la résistance. Cela au moment même où l'ex-président irakien Saddam Hussein, donné pour disparu, semble avoir ressuscité inondant l'Irak de communiqués et encourageant les Irakiens à persévérer dans la résistance. Ainsi, après le communiqué audio diffusé vendredi par la chaîne qatarie d'information en continu, Al-Jazira, c'est au tour de la chaîne libanaise LBCI de diffuser un enregistrement sonore dans la soirée de lundi, attribué à Saddam Hussein, dans lequel celui-ci déclare, s'adressant aux communautés ethniques irakiennes, «Arabes, Kurdes, Turcomans, Chiites, Sunnites, musulmans et chrétiens, (...) votre mission principale est de chasser les envahisseurs en unifiant vos rangs». La CIA, services de renseignement américains, a qualifié l'enregistrement d'Al-Jazira de «très probablement authentique». C'est dire que la bête noire des Américains court toujours et peut, à défaut de reprendre le pouvoir, causer beaucoup de dégâts aux coalisés. En effet, sur le terrain, les soldats américains, qui tombent au rythme de un à deux par jour, éprouvent les pires difficultés à maîtriser la situation et surtout à gagner la confiance d'un peuple plus que jamais méfiant de ces occupants à la parole mielleuse mais au comportement de conquistadors. De fait, les Irakiens n'ont fait que changer de persécuteurs, hier c'était Saddam Hussein, aujourd'hui c'est un certain Paul Bremer dont la morgue envers les Irakiens n'a d'égale que la tyrannie, sur ce même peuple, de l'ancien maître de Bagdad.