Sachets en plastique et autres déprédations font désormais partie du décor Les plages du littoral sont envahies par toutes sortes de saletés, celles d'Alger par les eaux usées déversées par les égouts. L'image est insolite. Un vieux pêcheur qui s'est installé à quelques mètres, à peine, de l'égout qui donne sur la mer, a le regard fixé sur sa canne à pêche et surveille, à partir du boulevard qui surplombe la plage, le banc de poissons qui passent tout près-de l'hameçon. L'Eden a vécu. Cette petite plage de ex-Saint-Eugène, réputée, jadis, pour la pureté de ses eaux, est devenue, avec le temps, une décharge où eau de mer et eaux usées se côtoient et se disputent l'espace, sous le regard complice des riverains et des autorités. Celles-ci ont bafoué toutes les règles en matière d'hygiène et de sécurité en y autorisant la baignade. «Baignade autorisée, eaux de baignade régulièrement contrôlées», lit-on sur le panneau placé juste à proximité des escaliers menant à la plage. Insouciants du danger et se fiant, sans doute, aux inscriptions rassurantes qui sont portées sur ledit panneau, de nombreux baigneurs, parmi lesquels, plusieurs enfants venant de Bab El Oued et des quartiers environnants, se sont rués vers la plage, tôt le matin, à la recherche d'un endroit idéal pour camper. Les habitués sont, déjà, sur place et ont tenu à marquer leur territoire en y installant un parasol. Certains ont élu refuge pas loin des égouts. Apparemment, cela ne semble pas beaucoup les déranger. Comme Robinson Crusoé sur son île, un nageur téméraire s'est installé sur l'un des rochers jouxtant la plage en faisant un signe de la main à ses camarades qui veulent le rejoindre. Un autre a pris pied sur le rocher où trônait, naguère, un grand cabanon, pour pêcher. Ni les eaux usées, ni l'odeur nauséabonde qui se dégage de ces lieux ne les ont découragés. Un riverain nous a même déclaré que la mer est purificatrice et qu'il n'avait aucun souci à se faire à propos des eaux usées déversées sur la plage. A quelques pas de là, au lieu- dit Rocher carré, plus précisément, l'odeur des égouts est vraiment insupportable. On se serait cru au vieux pont de l'oued El Harrach durant le mois d'août tant l'odeur est infecte et la chaleur accablante. Un égout, à ciel ouvert, déverse, par cascade, ses immondices directement dans la mer. Lesplanade tout au long de laquelle se dressent des centaines de dalles en béton destinées à faire reculer la mer, est envahie par la saleté. Bouteilles de bière et de vin cassées, sachets en plastique et excréments font, désormais, partie du décor. Une odeur d'oeuf pourri s'y dégage et agresse vos narines. Un enfant, qui passait par là avec son père, a dû se pincer le nez. Dans le temps, on la surnommait «Rmilet Laâoued» parce que l'on y amenait, de temps en temps, les chevaux pour les débarrasser des parasites et de la saleté. Cette plage ou, du moins, ce qu'il en reste, est, elle aussi, traversée par des égouts. Une pancarte indique «Baignade autorisée!». Quelques familles, en majorité issues des quartiers de Bab El Oued, ont investi cette minuscule plage d'à peine quatre cents mètres carrés pour se détendre. Malgré le drapeau rouge indiquant baignade dangereuse et la présence, pas très loin, d'un égout, parents et enfants pataugent gaiement dans l'eau et semblent indifférents à la menace qui pèse sur eux. La plage El Kettani est noire de monde. Plus spacieuse que celle de Rmilet Laâoued et surtout mieux nantie en raison des commodités dont elle dispose, à savoir un parking,une aire de jeu et deux piscines, cette plage qui se trouve en plein Alger, attire énormément de gens, particulièrement les week-ends. L'eau est, apparemment, plus propre et les mesures d'hygiène et de sécurité mieux respectées. Pour 200 dinars, on vous loue un parasol pour la journée. L'accès à la plage est libre et gratuit. C'est, en tout cas, ce que prévoit la loi. Afin de permettre à un plus grand nombre de gens d'y accéder, les autorités ont réaménagé la plage, désormais, protégée par une digue. Ce système qu'on a généralisé pour repousser le niveau de la mer, s'est avéré très efficace et surtout très bénéfique en matière de prévention et de gain d'espace. Une allée est réservée aux badauds qui peuvent se promener tranquillement à toute heure de la journée. De l'esplanade, on a une vue superbe sur Saint-Eugène qu'on peut apercevoir au loin et sur l'immensité de la mer qui flirte avec le ciel à l'horizon. Coincée entre le complexe sportif jouxtant le Palais des Raïs ou Bastion 23 et l'Amirauté, la plage de «Qaâ Essour» est fermée, depuis longtemps, au grand public à cause des égouts qui sont nombreux en cet endroit, dit-on. Jadis, de nombreux habitants de la capitale s'y rendaient pour prendre un bain ou pour bronzer. Certains y allaient souvent la nuit parce qu'ils considéraient que c'était le meilleur moment pour pouvoir nager sans risquer d'être importunés. Le fait de se trouver près du centre-ville lui conférait un certain avantage. Les Algérois s'y rendaient à pied et n'avaient pas besoin de prendre leur voiture ou le bus. A midi, ils pouvaient rentrer chez eux pour le déjeuner et revenaient, aussitôt après pour se baigner. Les nostalgiques regrettent cette époque qu'ils qualifient d'age d'or du tourisme algérien de masse. Pour développer le tourisme, il faut donc revenir aux sources et privilégier le tourisme local, seul porteur de richesse.