L'argent sera, sans doute, le maître mot inavoué du jeu électoral Devant l'absence de mécanismes de contrôle du financement des campagnes, le business des listes électorales fera, sans aucun doute, un grand ravage. L'argent risque de couler à flots. Deux campagnes électorales sont attendues dans moins de dix mois. Les législatives et les locales constituent un double enjeu qui offre «un marché juteux» aux opportunistes de tout poil. L'argent sera, sans doute, le maître mot inavoué du jeu électoral. Le business des listes électorales fera un ravage sans précédent. L'achat des voix n'est un secret pour personne. Bien au contraire, cette pratique est devenue ces dernières années, monnaie courante au sein de la classe politique. Les sénatoriales de 2009 ont laissé un arrière-goût sur le pouvoir de l'argent dans les choix des candidats. Les critères de sélection des candidats n'obéissent plus aux principes de l'idéologie et du militantisme. «La race qui croit en les idées idéologiques est en voie de disparition», commente le porte-parole du FLN, Kassa Aïssi. Pour lui, les critères obéissent à des intérêts. Un constat partagé par la plupart des responsables interrogés. Nul ne peut nier que c'est la «chekara» qui impose son diktat. La jonction entre l'argent et la politique se confirme au fil des échéances. Certes, le financement des campagnes est assuré par les partis et l'Etat rembourse un pourcentage, il n'en demeure pas moins qu'une grande partie passe sous la table. Le financement des campagnes par des particuliers constitue une grande zone d'ombre. Des partis reçoivent même des financements de l'étrangers. En 1992, l'ex- parti dissous, FIS, a eu des financement même des pays du golft. Les formes de contribution se multiplient. Les hommes d'affaires multiplient les cadeaux à l'adresse des partis. Waâda, réservation des salles de meeting, hébergement, transport, affiche électorale, sans parler de l'argent liquide sont des services assurés par les affairistes. Des financements estimés à des millions pour ne pas dire en milliards de dinars. Devant l'absence de mécanismes de contrôle du financement des campagnes, les lobbies s'en donnent à leur guise. Rien n'est gratuit. En contrepartie, ils obtiennent des marchés juteux estimés à des milliards de dollars. Des leaders politiques ont même reconnu l'influence de l'argent sur la politique. Le secrétaire général du FLN avait exprimé ses craintes avant les sénatoriales de 2009. «Nous allons entrer dans une âpre bataille dont il est fort possible que des moyens immoraux seront employés par nos concurrents», avait déclaré Abdelaziz Belkhadem, dans un discours prononcé lors de la réunion des cadres devant superviser les élections primaires. Sans aller par trente-six chemins, le patron du FLN a lâché le morceau: «L'argent pourrit la politique.» Il a fait allusion à la corruption politique qui permet aux plus nantis des candidats d'acheter les voix des élus locaux moyennant une forte rétribution. M.Belkhadem a appelé à combattre ces pratiques qui tendent à devenir monnaie courante. Le leader du RND a, de son coté, tiré la sonnette d'alarme lors des législatives de 2007. S'exprimant sur la révision de la loi électorale, M.Ouyahia a fait savoir que l'enjeu consiste à «assainir la pratique électorale du business, de l'argent sale et de pratiques qui n'honorent ni la démocratie ni les partis politiques algériens, quels qu'ils soient». Le patron du RND a poussé trop loin le bouchon en précisant que le code électoral devra apporter un certain nombre de règles pouvant assainir la pratique électorale. «Aujourd'hui, on sait tout ce qui se passe sur le terrain. Des partis vendent leurs formulaires à des candidats pour qu'ils n'aillent pas collecter les signatures», a-t-il cité en déplorant le fait que «ces formulaires se vendent à des dizaines de millions de centimes». Cette fois-ci, ça sera encore pire. La course s'annonce féroce. Les affairistes ne lésineront pas sur leurs moyens pour décrocher un siège au sein de l'APN ou au niveau des communes. L'enjeu vaut bien la chandelle sachant que les prochaines élections sont capitales. Contrairement à 2007, la conjoncture a beaucoup changé. De nouveaux éléments ont été introduits. Le premier élément est que l'enjeu est étroitement lié à la présidentielle de 2014. Les partis politiques tablent sur les législatives pour baliser le chemin à la présidentielle de 2014. La nouvelle carte politique aura sans doute un poids à l'horizon 2014. La fin du troisième mandat aiguise l'appétit chez les uns et les autres. MM. Belkhadem et Ouyahia se sont mis déjà dans le bain. Le second élément, ce sont les avantages qu'offre le statut de député. Avec un salaire de 30 millions par mois et des avantages aux frais de la princesse, les convoitises se multiplient. La bataille pour la députation et le poste de P/APC donne d'ores et déjà un avant-goût du scénario électoral. Les tractations sont entamées bien avant le rendez-vous. Afin d'assainir le terrain, les observateurs de la scène politique estiment que c'est l'occasion ou jamais de définir les règles du jeu électoral. La révision de la loi électorale se présente comme une opportunité pour renforcer les mécanismes de contrôle et éviter le pourrissement de la vie politique. Ces pratiques ne sont pas propres à l'Algérie. En France, la question du financement des campagnes électorales a provoqué beaucoup de bruit ces derniers temps, notamment avec l'affaire Betancourt. Un scandale qui a ébranlé l'Elysée. Leurs impressions Moussa Touati, président du FNA «C'est un problème immense» «L'argent est le nerf des élections dans le monde entier, mais en Algérie ceux qui détiennent de l'argent deviennent les détenteurs du pouvoir», affirme le patron du FNA. Moussa Touati relève l'absence de mécanismes de contrôle de financement des campagnes. Les textes de loi existent, mais c'est l'application qui fait défaut. M.Touati reconnaît que l'argent est devenu un élément décisif dans la politique. «On se base beaucoup plus sur l'argent que sur le programme ou les principes», a-t-il affirmé avant de tirer la sonnette d'alarme: «L'argent est un grand danger pour la société et la politique». Et d'ajouter: «L'argent pourrit les principes.» L'achat des voix est devenu une pratique courante pour les affairistes. «C'est un problème immense et on doit justement sensibiliser les citoyens. La presse aussi à un grand rôle à jouer dans ce sens», a-t-il estimé. Afin de réduire l'influence des bailleurs de fonds, M.Touati estime que l'Etat doit augmenter ses aides au profit des partis politiques et trouver des mécanismes pour contrôler le financement des campagnes. M. Djemaa, porte-parole du MSP «La transparence fait défaut» «L'argent va de pair avec la politique», résume le porte-parole du MSP, Djemaa. Les dernières sénatoriales ont prouvé, souligne-t-il, la domination des hommes du fric. Pour lui, l'argent occulte nuit à la politique. Il déplore que certains partis font des élections un fonds de commerce. «La vente des listes électorales n'est un secret pour personne, ce qui est déplorable», a-t-il affirmé en précisant que ce genre de pratiques doit être banni. Le porte- parole du MSP pense que c'est à l'Etat d'améliorer ses aides pour mettre les partis à l'abri de toute influence. «Nous voulons que l'Etat renforce les mécanismes de contrôle pour qu'il n'y ait pas de financement occulte», a-t-il insisté. En d'autres termes, le porte-parole du MSP préconise: «Il faut qu'il y ait des garde- fous pour éviter la vente des listes électorales.» Kassa Aissi, porte-parole du FLN «C'est difficile de contrôler» «C'est un grand débat qui remet en cause une grande partie de la campagne électorale qui se fait dans l'informel», a expliqué le porte-parole du FLN, Kassa Aissi. Pour lui, les formes de financement se sont multipliées et il est très difficile de les contrôler. «De nos jours, des élus font de la campagne une tête», a-t-il fait savoir. M.Kassa explique que dans le financement des campagnes, chacun s'occupe d'une partie. En plus des ressources que possède le parti, des militants et des sympathisants prennent en charge les frais d'hébergement et de nourriture. Le porte-parole du FLN reconnaît que la problématique de l'influence de l'argent sur la politique va s'accentuer lors des prochaines échéances électorales. «Il faut mettre en place des mécanismes de contrôle pour renforcer la transparence et donner plus de crédibilité aux élections et réduire l'influence de l'argent sur la politique», a-t-il suggéré.