La gauche a remporté dimanche une victoire historique en obtenant pour la première fois en plus de cinquante ans la majorité absolue au Sénat, la chambre haute du Parlement français, renforçant l'espoir d'une victoire face à Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012. « Pour la première fois le Sénat connaît l'alternance » a déclaré très ému le patron des sénateurs socialistes, Jean-Pierre Bel. Alors que tous les résultats n'étaient pas encore parvenus, il a annoncé que la gauche avait déjà « 175 sénateurs, c'est-à-dire au delà de la majorité absolue » au Sénat (348 sièges). « Le changement est en marche », a-t-il ajouté. François Hollande, favori des sondages dans la course à la candidature au sein du Parti socialiste (PS), y a vu « une décomposition du système Sarkozy », « prémonitoire » pour 2012. En attendant la présidentielle d'avril et mai 2012, le gouvernement de droite pourra continuer de mener sa politique, en s'appuyant sur sa majorité à l'Assemblée nationale, à laquelle la Constitution de 1958 donne un rôle prééminent sur le Sénat. Vénérable institution née peu après la Révolution française, le Sénat est chargé avec l'Assemblée d'examiner et de voter projets de lois, traités et conventions internationales. Au fur et à mesure de la journée, ce sont des résultats sévères pour la majorité qui sont tombés. Le ministre de la Ville, Maurice Leroy, battu, un 8e siège gagné par la gauche à Paris où le parti présidentiel UMP ne détient plus que deux sénateurs. La gauche a fortement progressé dans de nombreux départements et a même remporté des victoires dans des fiefs de la droite, comme la Lozère (sud). Il s'agit d' « une progression historique pour la gauche et une sanction incontestable pour l'UMP », a déclaré Harlem Désir, patron par intérim du PS en raison des primaires pour désigner le candidat du parti à l'élection présidentielle. La droite a tenté de son côté de limiter la portée des résultats. « L'Elysée prend acte des résultats du scrutin sénatorial, qui est la conséquence de la progression de la gauche aux élections locales intervenues depuis 2004 », a indiqué la présidence française, sans autre commentaire. Avec de bons résultats aux dernières élections municipales, régionales et cantonales, la gauche a modifié le visage des grands électeurs -près de 72.000 élus locaux- appelés dimanche à voter pour renouveler la moitié des sièges du Sénat. Ce scrutin complexe et à la majorité ou la proportionnelle, selon les départements, avait auparavant donné l'avantage à la droite. Sur le même ton que l'Elysée, le Premier ministre François Fillon a reconnu une « forte poussée » de l'opposition, « accentuée par les divisions de la majorité ». « Le moment de vérité aura lieu au printemps prochain », a estimé M. Fillon, pour qui « ce soir, la bataille commence ». Seul le patron de l'UMP, Jean-François Copé, a évoqué dimanche soir « la défaite » de la droite, tout en expliquant que c'était « une déception mais pas une surprise » en raison « des défaites locales successives » depuis 2004. Le fonctionnement du Parlement devrait malgré tout être considérablement modifié, la gauche au Sénat pouvant notamment faire retarder l'adoption des textes de loi. La discussion des budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale pour 2012, qui vont décliner le plan de rigueur du gouvernement, risque ainsi de devenir explosive. Reste aussi le président du Sénat, deuxième personnage de l'Etat, qui assure l'intérim du président en cas d'incapacité et dispose d'un important pouvoir de nomination. Ce poste devrait revenir à normalement à un sénateur de gauche au terme d'un vote prévu le 1er octobre. Les sénatoriales pourraient aussi entraîner un remaniement du gouvernement si Nicolas Sarkozy réclamait la démission des ministres élus au Sénat. Se poserait alors le problème du remplacement de Gérard Longuet (élu) alors que la France mène des opérations militaires en Libye et en Afghanistan.