Pour ne pas les avoir obligés à respecter les normes, les autorités sont, également, responsables. Montrées du doigt, à la suite de l'effondrement de centaines d'immeubles et d'édifices publics, provoqué par le séisme qui a secoué, en mai dernier, les wilayas d'Alger et de Boumerdès et provoqué, du même coup, la mort de plus de 3000 personnes, les autorités politiques, à travers la saisine de la justice de diligenter des enquêtes afin de déterminer les responsables d'anomalies en matière de construction, tentent de dégager leur responsabilité première dans cette tragédie. C'est, d'ailleurs, en réponse à des directives émanant de la présidence de la République que le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme s'était, enfin, décidé à mettre sur pied une commission technique chargée de connaître les raisons qui ont fait s'effondrer de très nombreuses constructions, dont certaines livrées récemment, comme de vulgaires châteaux de cartes. Comment, en effet, admettre qu'après les tremblements de terre qui ont endeuillé de 1980 à nos jours, les régions d'El-Asnam, de Tipasa, d'Aïn Témouchent et de Béni Ourtilane, les hautes autorités de ce pays qui, chaque fois, font mine de s'apitoyer sur le sort des victimes, n'aient pas jugé utile de faire appliquer de manière stricte, les normes en matière de construction? A divers niveaux, elles ne sont, pourtant pas, sans savoir que ce secteur est sous l'emprise d'une redoutable maffia qu'on a persisté à laisser agir à sa guise, avec les conséquences que l'on sait, alors que de grandes entreprises spécialisées dans le bâtiment étaient démembrées, une à une, et leurs employés mis au chômage forcé. En dépit des protestations des familles des victimes et, connaissant l'esprit fataliste des Algériens, ces autorités se sont empressées, chaque fois qu'une catastrophe survenait, à l'imputer au destin ou à la volonté divine, afin de dissimuler leur totale incompétence et leur incurie. A aucun moment, les coupables de négligences ayant provoqué la mort de centaines de citoyens, n'ont eu à répondre de leurs méfaits devant les juridictions pénales. L'exemple de la récente catastrophe de Bab El-Oued, qui a provoqué la mort de plus d'un millier de citoyens, est là pour nous le rappeler cruellement. La décision de confier aux autorités judiciaires, le soin de retrouver les coupables de négligences ayant entraîné la disparition de nombreuses vies humaines ne dégage pas, pour autant, les responsabilités des responsables en charge des secteurs de la construction et de l'habitat. Celles-ci se doivent, impérativement, d'expliquer à l'opinion pourquoi, durant des décennies, elles ont persisté à vouloir ignorer les agissements des barons du foncier et à fermer les yeux sur les pratiques douteuses régnant dans le secteur de la construction et de l'immobilier en général, ou tout possesseur d'un registre du commerce et de quelques brouettes, peut se prétendre «entrepreneur». Le ministère de l'Habitat doit, également, donner les raisons pour lesquelles ses nombreux services spécialisés n'ont pas été à la hauteur de leur mission, au moment, notamment, de prendre possession des habitations livrées par les constructeurs et autres promoteurs, pour vérifier qu'elles ne comportent pas de malfaçons. Il doit dire, aussi, pourquoi les normes d'urbanisme et d'habitat sont toujours foulées aux pieds et expliquer pourquoi, à ce jour, on continue à livrer aux Algériens des logements «personnalisés» dont ils sont forcés de réaliser, à leurs frais, toutes les finitions. Oui, il est heureux que, quelque part, dans les rouages de l'Etat, l'on se soit décidé à répondre aux doléances de sinistrés, dont certains se sont constitués partie civile, pour, enfin, engager des poursuites contre les responsables des délits constatés en matière de construction. Reste à espérer que ces dernières ne répondront pas à des impératifs électoralistes et qu'elles ne concerneront pas de simples lampistes.