Le chef du gouvernement Silvio Berlusconi, milliardaire self made man qui a marqué la vie politique italienne des 17 dernières années, s'acheminait mardi vers une chute de plus en plus probable après avoir perdu sa majorité au parlement lors d'un vote-test. Très nerveux pendant la session à la Chambre des députés qui a duré seulement un peu plus d'une demi-heure, le Cavaliere, 75 ans, a réussi à faire adopter le bilan 2010 de l'Etat italien par 308 voix, 8 voix de moins par rapport à la majorité absolue. Visiblement sous le choc à l'issue du scrutin, il s'est emparé des relevés détaillés de ce vote nominatif pour identifier «ceux qui m'ont trahi», en l'occurrence 8 députés de son parti PDL qui se sont abstenus comme ses opposants centristes et de gauche. Il a ensuite réuni à toute vitesse ses principaux ministres, son bras droit Gianni Letta, l'état-major de son parti, le ministre des Finances Giulio Tremonti, et les ténors de la Ligue du nord, le parti allié sans lequel il ne peut pas gouverner, au Palais Chigi, siège du gouvernement. Selon des sources de la majorité, il devait rencontrer dès 17H30 gmt le chef de l'Etat Giorgio Napolitano, non pas pour démissionner, mais pour décider de la marche à suivre pour la suite. Il pourrait ainsi poser la question de confiance rapidement au parlement. Le chef du Parti démocrate, principale force d'opposition, Pier Luigi Bersani l'a appelé à démissionner, estimant qu'il «n'a plus de majorité». M. Bossi qui a participé à la rencontre au Palais Chigi, l'avait appelé dès l'après-midi à «faire un pas de côté» et à céder la place à son dauphin Angelino Alfano qui aurait pu prendre la tête d'un gouvernement élargi aux centristes. Pour les experts, le gouvernement Berlusconi formé après la victoire triomphale du magnat au printemps 2008 est destiné à chuter d'un moment à l'autre. «La leçon politique (de ce vote, ndlr) est que Silvio Berlusconi est actuellement au bord du précipice. C'est incontestablement la fin de ce gouvernement, à moins d'une grosse surprise», a estimé Marc Lazar, qui enseigne à l'Institut d'études politiques à Paris. Selon le politologue, «c'est la fin d'un gouvernement mais peut-être aussi la fin d'un règne», celui du Cavaliere, qui a dirigé l'Italie à trois reprises depuis son entrée en politique il y a 17 ans (pendant sept mois en 1994, cinq ans de 2001 à 2006 et depuis 2008). Ce serait l'épilogue de la saga d'un personnage charismatique, issu de la petite bourgeoisie milanaise, initialement vendeur d'aspirateurs et animateur de croisières puis constructeur et fondateur de chaînes privées de télévision, devenu l'un des hommes les plus riches d'Italie. Pour Giacomo Marramao, qui enseigne la philosophie politique à l'université Rome 3, il se peut que la démission de M. Berlusconi ne soit pas immédiate. «Il faut tenir compte du caractère et de la nature particulière de Berlusconi: il pourra poser la question de sa démission seulement s'il reçoit des garanties pour ses entreprises, pour sa sécurité, notamment judiciaire». Une fois que M. Berlusconi aura démissionné, ce qui pourrait se produire dès mardi soir ou à moyen terme, trois hypothèses se présenteront à l'horizon. Soit il passe la main à un gouvernement de droite mené par M. Alfano ou son bras droit Gianni Letta, soit à un gouvernement d'union nationale mené par une personnalité indépendante comme l'ex-commissaire européen et économiste Mario Monti. Mais au cas où il n'y aurait pas de majorité suffisante pour un nouveau gouvernement, le président Napolitano se retrouverait obligé de dissoudre le parlement et convoquer des élections anticipées sur l'échéance de 2013.