Des rapports passionnels, mais non encore codifiés. Le conflit présumé purement commercial entre les six journaux qui se présentent comme privés et indépendants et les imprimeries de l'Etat connaîtra-t-il cette semaine son épilogue final? C'est-à-dire qu'on ne parlera plus de cette affaire. A moins d'un coup de théâtre inattendu, tous les titres qui ont été touchés par la décision d'interdiction d'impression décrétée par les imprimeurs gouvernementaux seraient en voie de revenir à une normalisation progressive. Déjà, trois d'entre eux ont reparu et ont repris leur place dans le paysage journalistique de la scène nationale après avoir réglé rubis sur l'ongle ce qu'on leur réclamait. Les trois autres ont enclenché des tractations serrées avec les imprimeurs et l'Anep pour trouver la formule idoine afin de régler ce qu'on leur doit, et partant, le contentieux supposé commercial avec leurs vis-à-vis. Pourtant, cela ne veut pas dire pour autant que ces publications qui n'ont pas su ou pu se constituer un matelas financier de sécurité pour faire face à ce genre de situation, reparaîtront tous et à coup sûr cette semaine. Des surprises ou des entraves de dernière minute ne sont pas à exclure. Aussi, au-delà des incertitudes de ce feuilleton de l'été 2003, les observateurs locaux ou internationaux et les principaux concernés par cette crise presse privée-imprimeurs, les journalistes, ont relevés surtout des relents de politique politicienne, voire, électoraliste dans cette affaire. Surtout, que le passif du pouvoir politique en Algérie parle contre lui depuis qu'il a octroyé cette liberté de la presse limitée dans le cadre d'une démocratie surveillée au lendemain du 5 octobre 1988. En effet, une fois l'euphorie du début des années 1990 consommée, les gouvernants ont souvent usé de procédés douteux et équivoques pour mettre au pas les titres qui franchissent les limites tracées ou qui dérangent des intérêts définis. L'argument sécuritaire d'abord et commercial ensuite a tout le temps été avancé durant cette décennie par les politiciens au pouvoir pour régler ses comptes financiers et politiques à cette indomptable presse privée qui croit qu'elle peut fonctionner comme ses consoeurs, ailleurs dans le monde occidental. Or, depuis le gouvernement Hamrouche qui a lancé dans les années 1990-1991, les bases juridiques et financières de cette presse dite privée et indépendante, l'évolution de cette dernière s'est faite en dents de scie dans le cadre d'une commercialité viciée dès le départ et à travers un schéma corporatiste continuellement désorganisé. Résultat: durant le règne de Bélaïd Abdesselam (1993) et pendant les deux gouvernements Ahmed Ouyahia (1998 et 2003), la presse en a eu pour son compte et les rapports entre le pouvoir politique et ces journaux, ont été au mieux, emprunts de suspicion et de méfiance réciproques et mutuelles au pire de mépris, d'ostracisme et de suspensions répétées. Dans cette relation passionnelle non encore codifiée, le volet commercial ne tient qu'une place secondaire pour ne pas dire uniquement, apparente. Le reste, tout le reste est régi par les interférences politiques et les instructions occultes. Sans stratégie médiatique et de communication cohérente pour les uns, sans structure organisationnelle crédible et puissante pour les autres, les rapports entre ceux qui gouvernent ce pays et ceux qui tentent de faire son opinion publique ou tout au moins de la façonner, ne peuvent être que de ce type. Flous et inintelligibles pour le commun des citoyens. L'archaïsme et les erreurs de parcours de cette expérience ne sont pas seulement là où on le pense.