La crise que voici, de par son importance et le triomphe qu'en ont tiré les journaux libres, sera le coup de semonce pour le pouvoir. Non, plus jamais ça. Tant d'encre et de salive ont coulé à propos de la suspension politique qui a frappé, le mois d'août passé, six titres indépendants de la presse nationale. Les raisons politiques en ont été largement explicitées, depuis que les arguments «économiques» ont été battus en brèche par des arguments qui ont poussé les décideurs à se retrancher dans un mutisme, pour le moins gêné. Loin de s'arrêter en si «bon chemin», ceux qui se sont rendus coupables de ces crimes contre la liberté d'expression, qui ont foulé aux pieds les lois qu'ils sont censés respecter et faire appliquer, un harcèlement sans précédent a été déclenché contre les journaux qui ont réussi à dépasser l'écueil de l'argument commercial et qui ont échappé aux griffes des descentes punitives des inspecteurs de l'ancien syndicaliste, Tayeb Louh, reconverti en fidèle serviteur d'un système honni par tous, et rapproché dangereusement de la tombe à la lumière des nombreux scandales révélés à son sujet. L'Expression, de par son jeune âge, a le plus souffert de cet arbitraire que l'histoire retiendra éternellement au passif de ceux qui s'en sont rendus coupables. La solidarité sans faille manifestée à notre égard, de manière continuelle et efficace, nous a grandement aidés à tenir le coup même dans les moments où l'on se croyait enfoncés dans les problèmes jusqu'au cou. Des journaux nous ont gracieusement ouvert leurs colonnes, nous permettant ainsi de garder un contact direct avec nos lecteurs. Ces derniers, appelant et se déplaçant par milliers vers notre rédaction, nous ont proposé mille et une formes d'aide. Ce sont eux, ainsi que nos confrères et nos centaines d'annonceurs, qui ont permis de faire échec à ce complot contre la libre expression. Le message est on ne peut plus clair. Le pouvoir est en complet déphasage par rapport au peuple et aux nécessités et grands défis de cette époque. Dire que dans le même temps l'Algérie négocie la dernière ligne droite avant son entrée à l'OMC et que son accord d'association avec l'UE prévoit une close entière, exclusivement consacrée au respect des droits de l'Homme, de la démocratie et de la liberté d'expression. C'est au pouvoir de faire marche-arrière, d'aller même vers son mea culpa, sous peine de se voir irrémédiablement disqualifié par le peuple, le jour où la parole lui sera rendue à la faveur de la prochaine élection présidentielle. Ce qui étonne, en effet, c'est que le pouvoir n'ait même pas pris la peine de se demander pourquoi le pays entier s'est élevé contre ces mesures arbitraires, maintenant en l'étatson bras de fer, non pas avec un journal, non pas avec la corporation journalistique, mais avec trente millions d'Algériens, hormis une poignée de fidèles et zélés serviteurs d'un système déjà fini, mais refusant toujours de l'admettre. Loin de s'y plier, en effet, ceux qui se sont rendus coupables de ces mesures liberticides en veulent à nos vies, en plus de nos bourses, agissant en cela bien pis que les bandits de grands chemins des anciens temps. Ils font, ainsi, montre de moins de «bonté» que ces brigands pourtant réputés sans coeur. Ils ne se sont pas contentés de vider les caisses des journaux dont l'appât du gain n'a jamais été un leitmotiv. Ils sont allés plus loin en cherchant la mort des journaux visés à travers un harcèlement judiciaire et policier sans précédent. L'Expression qui, jamais ne baissera les bras ni la voix, poursuit stoïquement son noble combat. Tout est fait pour que son retour sur les étals se fasse dans les plus brefs délais. Tant pis, après tout, si nous subissons à notre tour, quelque harcèlement policier et judiciaire, à notre retour. Cela fera partie intégrante des risques et des «charmes» du métier. Il sera possible un jour, quand tout sera fini, que la démocratie sera enfin ancrée dans les moeurs et au sommet du pouvoir, de dire «j'y étais»... dans cet épique combat, ultime soubresaut d'agonie de quelques nostalgiques d'un régime à jamais révolu...