L'année 2003 a connu un déficit très sérieux dans le corps des magistrats. Hier, au Séminaire international sur la modernisation de la justice, organisé à l'Hôtel El-Aurassi, nous avons assisté à deux discours différents. Il y avait d'abord l'optimisme du ministre de la Justice, Garde des sceaux, M.Tayeb Belaïz, qui s'est attardé dans son allocution sur l'objectif «d'une justice moderne accessible et efficace, en prise avec les aspirations profondes de nos concitoyens et les enjeux et défis mondiaux». C'est dans cet esprit, ajoute -t-il, que la Commission nationale de réforme de la justice a été mise sur pied, et dont les «recommandations subséquentes qu'elles a émises, sont la principale source d'inspiration de notre démarche». Mais dans la foulée, les juristes rencontrés ont préféré opter pour un discours «réaliste». «Nous n'avons rien vu de palpable dans cette réforme», c'est en ces termes que nous a répondu M.Ben Said juriste à la wilaya de Biskra. Pour notre interlocuteur «Le rapport demeurera un voeu pieux s'il n'est pas suivi par un cadre juridique déterminant les mécanismes de ces réformes escomptées». La réforme de la justice passe indéniablement, selon le premier responsable du secteur, «par la mise à disposition de moyens et possibilités pour promouvoir le service public de la justice à la mesure des nouvelles exigences». Mais de l'avis de M. Ras El Aine, le président du syndicat des magistrats, la modernisation de la justice reste tributaire de la volonté politique. Plus incisif, il prône «l'indépendance des pouvoirs». Le facteur humain joue un rôle prépondérant, voire déterminant, sans lequel toute démarche de modernisation s'épuiserait bien vite. Singulièrement dans le secteur de la justice où l'image sacrée du magistrat, acteur essentiel, son autorité morale fondée sur la compétence et la disponibilité totale au service public, paraissent transcender toutes les autres considérations. Le magistrat doit être «protégé» pour assurer la crédibilité de la justice. Ras El Aine a révélé que l'année 2003 a connu un déficit très sérieux dans le corps des magistrats. Un déficit qui a influé négativement sur «les verdicts prononcés». «Un juge en Algérie se trouve dépassé par le nombre important de dossiers à étudier» précise t-il. Le ministre renvoie la balle aux magistrats et les appelle «à assumer pleinement les obligations de leur mission», en assurant que les difficultés d'ordre socio-professionnel, qui ont longtemps contrarié la disponibilité des magistrats, ont fait l'objet, depuis quelques années, d'un train de mesures aux effets indéniablement positifs. «Cet effort se poursuivra encore, notamment par l'élaboration et l'adoption prochaine de nouveaux textes qui rendront à cette fonction toute sa dignité et son prestige» Interrogé sur l'application de ces réformes sur le terrain, le Ministre a cité quelques mécanismes mis en oeuvre, comme le centre national du casier judiciaire, le développement d'une organisation statistique nouvelle qui pourront donner un meilleur éclairage aux décisions politiques, une amélioration de la gestion et du suivi des dossiers judiciaires. Des mesures jugées «insuffisantes», estime les juristes présents. Notons enfin que le représentant du bureau du Programme des nations unies pour le développement (Pnud) en Algérie, M.Francis Dubois, a annoncé l'octroi d'une enveloppe spéciale pour la modernisation de la justice. Francis Dubois, qui a remplacé Paolo Lambo, a assuré que son organisation va continuer le programme déjà tracé dans ce secteur, niant pour l'occasion d'éventuels désaccords entre les deux parties et par la même occasion démentant la polémique qui a suivi le départ de son prédécesseur.