Un chercheur qui fait honneur à l'Algérie Le chercheur a passé trente ans à travailler dans le domaine des traitements permettant une «acceptation» plus grande des greffes d'organes et de tissus. Il est prêt à faire partager son expérience avec les universités algériennes. L'EXPRESSION: Vous avez effectué des recherches sur le traitement des greffes: combien d'années avez-vous mis avant de boucler ces recherches? Pr Kamel Sanhadji: Vous savez, le résultat d'une recherche n'est pas un «fruit» qui vous tombe en surprise dans les mains. Il s'agit de multiples observations expérimentales qui sont accumulées au cours du temps à partir de vos recherches et celles des autres équipes. Les rencontres entre chercheurs, sous forme de colloques ou de congrès scientifiques, sont le lieu de confrontation des résultats et de prise de décisions pour «mettre en musique» les informations intéressantes dans le cadre d'une maladie et les mettre en perspective d'un éventuel traitement. Dans ce cas précis, c'est le fruit d'une trentaine d'années de recherches dans le domaine des traitements permettant une «acceptation» plus ou moins réussie des greffes d'organes et de tissus. A ce propos, les recherches dans le domaine des médicaments utilisés dans le traitement des greffes (immunosuppresseurs) constituent une grande avancée en transplantation. Mais ces traitements ne constituent pas une panacée et de nombreux échecs sont constatés malgré ces traitements aboutissant à des rejets. En parallèle à ces traitements immunosuppresseurs, des recherches dans l'induction d'une tolérance des greffes par le receveur pour éviter ces rejets. Ces recherches durent donc depuis une trentaine d'années avec une accélération durant la dernière décennie ceci grâce au développement de nouvelles techniques de diagnostic, de recherche et de traitement (amplification génique, séquençage des gènes, thérapies cellulaire et génique). La découverte a-t-elle déjà été mise en exploitation dans les hôpitaux et autres établissements de santé? Oui, mais pas à grande échelle car les applications sont récentes. Aussi, les différentes agences de contrôles réglementaires en France, telle que l'Agence de Biomédecine, font très attention aux nouvelles applications afin d'éviter tous les scandales comme celui du médicament Médiator ou celui des prothèses mammaires. Parlez-nous du coût de la prise en charge d'un patient? Il s'agit d'une spécialité dite «coûteuse» car il s'agit d'une greffe. Elle est évaluée à environ 150.000 euros mais elle est définitive. Elle est prise en charge à 100% par la sécurité sociale, donc elle ne coûte rien au malade. Vous avez donné l'exemple de l'enfant Blidi Manil qui souffre de la même maladie... Sa mise en oeuvre en Algérie ne devrait pas poser de problèmes dans la mesure où les équipes praticiennes sont formées et que les infrastructures et les équipements (unités hors-germes, laboratoires d'immunologie) sont disponibles. Il s'agit de dispositifs semblables à ceux utilisés dans les services d'hématologie pratiquant les greffes de moelle osseuse (à ma connaissance, il en existe un dans le service d'hématologie de l'hôpital de Rouiba, à Alger). Ceci dit, le petit Manil a la chance d'avoir un donneur de moelle osseuse compatible (sa soeur). Il n'aurait donc pas besoin de greffe de cellules souches prélevées au niveau d'autres sources (foie foetal ou sang de cordon). Il sera bien pris en charge dans des structures adaptées, pourvu que son état infectieux, à son arrivée à Lyon, ne soit pas très important. Avec le Pr Jean-Louis Touraine, nous nous sommes proposé de voir le petit Manil dans quelques jours. Qu'en est-il de la mise en valeur de votre recherche médicale en Algérie? Il faudrait d'abord que la «culture» de la recherche scientifique et médicale, avec des projets porteurs et modernes, s'installe sérieusement dans notre pays. Les services publics en charge doivent mener une politique réelle et pratique car la réalité des intentions ne se vérifie que par les actes. La question est donc la suivante: volonté politique réelle ou pas? A partir de là, il est très facile de mettre en place-ou pas- des infrastructures performantes qui n'auront rien à envier aux pays occidentaux. Seriez-vous disponibles vous et le Pr Touraine, pour donner un exposé sur l'importance de cette découverte dans le cas où vous seriez invités en Algérie? Oui, évidemment. Expliquer, communiquer, rencontrer et former des jeunes est notre job. Cela coule de source. Le laboratoire de recherches en immunologie-en cours de démarrage- de l'Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou est en principe pionnier pour prendre en charge cette thématique précise.