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Le langage des fleurs peine à suivre
LE 8 MARS, UNE DATE QUI N'EST PLUS «FLEURIE» COMME JADIS
Publié dans L'Expression le 07 - 03 - 2012

Le 8 mars, une journée pas comme les autres pour les femmes
Hormis les fêtes familiales, les dates commémorées ne se parent plus de fleurs.
L'Algérien est-il romantique? Non, répondra sans ambages le fleuriste qui estime que son activité est en «sursis». Tel est l'avis - sanction, amèrement prononcé par plusieurs gens de ce métier de «poètes et d'artistes», comme se plait à se qualifier l'un d'eux, qui s'apprête, tout comme tous les intéressés, à fêter la «Journée internationale de la femme» en ce 8 mars.
La période faste qu'affectionnent les fleuristes est indéniablement l'été qui voit défiler les fêtes de mariage et de fiançailles, le tout agrémenté de naissances et autres occasions festives qui ne sauraient être que plus belles lorsqu'elles sont «assorties» de fleurs.
Cependant, nombre d'Algériens, citadins surtout, continuent à fêter le 8 mars. Ils offrent candidement, c'est-à-dire avec respect, une fleur à une femme, son épouse, la mère voire la collègue...notamment en ce jour de la «Fête internationale de la femme». D'aucuns, il faut le dire, le font de façon ostentatoire, les uns pudiquement, d'autres avec admiration...
Sans vouloir contester ni discuter de la pureté de ce geste, l'on est sceptique quant à la compréhension de ce geste, autant par la personne qui offre que celle qui reçoit cette offrande gaie et colorée à souhait. Elle est si bien accueillie par la gent féminine qui est en quête permanente de considération chez nous comme ailleurs sous d'autres cieux.
Cette année, cependant, depuis quelque temps déjà, ces «artistes» ont attendu, sans engouement aucun, la livraison espérée de fleurs qui devaient leur parvenir avant la «Journée internationale de la femme». Cette livraison attendue doit leur parvenir à partir de lots importés en partie du Maroc, lui-même importateur de France et surtout de Hollande pays qui nous livre environ 80% de nos besoins en fleurs pour couvrir la période, dite de «soudure», de notre propre floriculture. Celle-ci correspond au cycle végétal du rosier en particulier, nous-a-t-il été expliqué.
Le bouquet de fleurs à offrir, reste un produit de création réalisé par un artisan fleuriste sur la base d'un assortiment de fleurs fraîches. La sensibilité créative du fleuriste exécutant en fait un vrai travail d'«artiste».
Son -aire, son choix et son approvisionnement en fleurs du moment, suivant la saison, peuvent faire que le bouquet confectionné puisse, à son initiative et touche personnelle, parfois différer du visuel illustratif dont le nombre de fleurs, pair ou impair par exemple.
La femme sera-telle flattée et gâtée cette année par une profusion de fleurs? Rien n'est moins sûr. La production nationale a été retardée par le gel des plants et les neiges qui ont sévi ces derniers jours. Aussi, nous explique-t-on, la prochaine cueillette n'a lieu qu'à partir des premiers jours de ce mois, si le temps est clément. A propos du processus d´approvisionnement, il nous a été répondu qu´en période estivale, la marchandise est fournie généralement par les massifs floraux localement cultivés. Diverses essences, notamment la rose ou l´oeillet, y poussent en abondance. Ces fleurs sont généreusement commercialisées au niveau des horticulteurs de la Mitidja, à Boufarik ou à Blida, la «ville des Roses», appelée ainsi jadis. Une petite quantité est importée du Maroc, lequel pays est, rappelle-t-on, un fournisseur de certains pays européens aux côtés du Kenya qui reste indéniablement le plus grand négociant en la matière.
Toujours est-il que la production nationale est très faible pour prétendre satisfaire une demande, au demeurant peu importante per capita, qui s'étale tout le long de l'année.
Cette délicate culture est sujette à de multiples aléas dont le mauvais temps avec son chapelet de froid, de gel et de neige, mais aussi d'infrastructures adéquates. Il est regrettable aussi, a-t-on constaté que ces pépiniéristes n'assurent guère leur production et se contentent de se plaindre contre Dame Nature et autres contraintes administratives dont l'imposition fiscale qui les classe comme commerçants et non artisans tel qu'ils le souhaitent.
Une virée auprès de quelques fleuristes de la capitale, nous reseigne sur le «désarroi» dans lequel sont empêtrés ces gens du métier. «La profession, disent-ils, est vouée à sa disparition n'étaient les femmes qui voudront toujours vivre avec et près des fleurs. De
nombreux kiosques à fleurs ont disparu du centre d'Alger, regrette un fleuriste qui «pleure» une époque où pas moins de trois fleuristes, bien achalandés, entouraient les seules bâtisses de l'hôtel Es-Safir (ex-Aletti), de l'ancienne mairie d'Alger, aujourd'hui devenue le siège de l'Assemblée populaire nationale (APN), ou encore les ex-Galeries devenues le Musée algérien des arts modernes d'Alger (Mama)... Il n'est d'ailleurs pas rare d'être abordé par quelqu'un dans la rue, à Alger, qui cherche désespérément un fleuriste!
Les rares horticulteurs existants, opèrent actuellement sur les hauteurs d'Alger, à Bouzaréah plus exactement, ou à Staoueli et Zéralda, localités se situant à l'ouest de la capitale. L'un d'eux, qui tient boutique de fleuriste à Kouba et pépiniériste en fleurs de son état, de père en fils à Bouzaréah, nous a fait remarquer que «là n'est pas notre culture que d'offrir des fleurs. Ce n'est que depuis l'Indépendance que cette pratique a lieu au gré des fêtes ouvrières et socialistes où le rôle de la femme pendant la Révolution était mis en exergue».
Un quidam qui rend visite, enchaîne-t-il, à une femme malade, prend presque toujours en guise de présent, des yaourts, des fruits ou des gâteaux, rarement une fleur laquelle se pare en pareille circonstance d'une tout autre signification de santé, de beauté et de paix. C'est dire que notre culture est ancrée bien ailleurs.
Les fleurs d'importation
s'amenuisent considérablement et, la dépréciation du dinar algérien aidant, reviennent cher pour citoyen dont le pouvoir d'achat est érodé à l'extrême. La production nationale est de loin insuffisante et les professionnels disparaissent un à un laissant derrière eux quelques héritiers ou employés pétris d'un métier qu'ils continuent à exercer avec «amour et passion» comme le firent leurs aînés.
Il ne leur reste plus, selon un fleuriste de renom installé dans la banlieue Est d'Alger, que la garniture de la voiture de la mariée à fleurir qui continue à compenser ce manque flagrant à gagner par la seule vente de roses ou de lilas pour sa dulcinée ou pour égayer son foyer. Cet «artiste» peut toutefois maintenir son activité grâce à des commandes régulières de bouquets de fleurs finement agencés. Ils sont destinés aux invités à des mariages intimes, à d´autres célébrations, à diverses réceptions et que des administrations ou des ministères, commandent pour l´occasion.
Avant de prendre le chemin des urnes en mai prochain, les citoyennes algériennes savent-elles que l'Histoire raconte que c'est à Copenhague, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes, que l'Allemande Clara Zetkin propose, pour la première fois, d'organiser une «Journée internationale de la femme» en vue de servir à la propagande pour le vote des femmes, ceci, sans jeu de mots avec notre prochain rendez-vous électoral. La conférence avait réuni une centaine de femmes venues de 17 pays, et adoptait aussitôt cette proposition, inspirée des manifestations d'ouvrières qui s'étaient déroulées aux Etats-Unis en 1908 et en 1909. Plus tard, le 8 mars, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne pour ne l'obtenir que quatre ans après, un certain 12 novembre.
Pour rappel, au début du XXe siècle, des femmes de tous les pays du monde s'unissent pour défendre leurs droits. Cependant, la légende veut que l'origine du 8 mars remonte à une manifestation d'ouvrières américaines du textile en 1857.
L'origine de cette journée s'ancre dans les luttes ouvrières et les nombreuses manifestations de femmes réclamant le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l'égalité entre les hommes et les femmes, qui agitèrent l'Europe, au début du siècle dernier et qui continuent à se poser de nos jours dans certains pays.


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