Le verdict tranche nettement avec le communiqué du parquet et le traitement avilissant qu'il avait subi durant sa détention. Coup de théâtre dans ce qu'il convient d'appeler «l'affaire Sidhoum», depuis que le monde entier s'est saisi de cette question relative au respect des droits de l'homme en Algérie. Le militant algérien des droits de l'Homme, Salah-Eddine Sidhoum, qui s'était rendu aux autorités fin septembre après 9 années passées dans la clandestinité et une condamnation à 20 ans de prison par contumace, a en effet été acquitté ce jeudi par le tribunal criminel d'Alger. C'est ce que nous ont déclaré ses avocats, venus nombreux plaider sa cause. «M.Sidhoum a été totalement acquitté et aucune charge n'a été retenue contre lui». Telle a été la seule réaction de l'un des avocats à sa sortie de la salle d'audience où ni la presse, ni le public, n'étaient les bienvenus. M.Sidhoum, qui s'était rendu le 29 septembre, avait été incarcéré à la prison Serkadji d'Alger, en attente de son procès. Il avait observé une grève de la faim interrompue dimanche après que la date de ce dernier eut été fixé. La grève de la faim qu'il a observée avait été déclenchée à la suite du traitement avilissant qui lui avait été consacré par la direction pénitentiaire. M.Sidhoum, 55 ans, avait été privé de matelas, de ses vêtements, de ses objets de toilette, et avait été jeté dans une cellule humide, en sous-sol, avec une lampe nue allumée H24. Un fantastique élan de solidarité avait été enclenché à l'annonce des conditions de cette détention, et de l'état de santé du gréviste qui se dégradait de jour en jour. La relaxe, toutefois, en étonne plus d'un, et prête à penser que le procès autant que l'ancienne condamnation, pourraient être politiques. Dans un communiqué rendu public la veille, mercredi, le parquet d'Alger avait indiqué que M.Sidhoum serait jugé pour «appartenance à un groupe terroriste et apologie d'actes terroristes». De très graves accusations qui laissaient supposer que l'ancienne condamnation allait au moins être reconduite, sans y ajouter le délit de fuite qui a, quand même duré 9 longues années. Sidhoum, indiquent ses proches, était en fuite parce qu'il a fait «l'objet de tentatives d'assassinat de la part des escadrons de la mort et qu'il craignait de disparaître à son tour s'il s'était livré durant les années 90». S'il a décidé de se rendre, expliquent encore nos sources, «c'est que des pressions ont commencé à être exercées sur sa famille. Il a craint pour elle». Ce médecin avait recueilli des informations et des témoignages sur de s et des bavures des forces de sécurité qu'il avait livrés à la presse et à des ONG internationales. Il a grandement dérangé certains tenants du pouvoir durant les années 90, lorsque le sujet des disparus était tabou. Il avait été condamné en 1997 par contumace, à vingt ans de prison, pour «soutien à des groupes terroristes». Mais il avait continué à diffuser ses rapports sur internet, dénonçant les «dépassements» des forces de sécurité. Tout porte à croire que c'est le fantastique élan de solidarité en sa faveur qui lui a permis d'être relaxé. Notre journal avait été l'un des premiers à se faire l'écho de cette sombre affaire. Mardi à Paris, deux ONG avaient exprimé leur inquiétude sur le sort de M. Sidhoum. L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (Fidh), basée à Paris, et l'Organisation mondiale contre la torture (Omct), basée à Genève, dans un communiqué «s'inquiètent particulièrement de la situation de M.Salah-Eddine Sidhoum, chirurgien et défenseur des droits de l'Homme en Algérie». Même la lauréate du prix Nobel de la paix, Shirin Ibadhi, a rendu public un émouvant communiqué dans lequel elle a demandé la libération de Sidhoum et le respect du droit et de la dignité humaine en Algérie. Le 16 septembre dernier, Amnesty International (AI) avait indiqué, dans un rapport, que la situation des droits de l'Homme en Algérie «reste très préoccupante» même si elle s'est «améliorée».