Voilà donc une expression «ech-chkara» qui vient «enrichir» le terroir du parler populaire et entre de plain-pied dans la pré-campagne électorale. «Ech-chkara» (le sac qui sert de «chéquier» à toutes les corruptions) vient donc s'ajouter au glossaire popularisé par une jeunesse en mal de vivre, les «hogra» et autres «harraga». Les choses évoluent. La «chkara» (on disait alors «bouchkara» le traître se cachant le visage sous un sac) qui désignait dans les années 1954-1962 les délateurs des militants de la cause nationale, a aujourd'hui un autre sens. Ce sont ceux qui se trimballent avec des sacs pleins à craquer de billets de banque. Donc, les «bouchkara» de l'an 2012, ont de plus en plus tendance à faire leur «job» à visage découvert. Ce n'est donc nullement une simple imagerie ou un fantasme, mais bien une réalité des nouvelles moeurs et pratiques politiques dès lors que des enquêtes ont été diligentées par les autorités. Il paraît même qu'au moins dix partis et des indépendants seraient sur la sellette. Aussi, en attendant d'en savoir plus sur les tenants et aboutissants de cette affaire et de ce qui sortira de l'enquête, restons donc circonspects dans un dossier qui montre, si les suspicions sont fondées, que la corruption aura réussi à gangrener tous les secteurs de l'activité sociale, sportive et maintenant politique. Des rumeurs ont circulé ces derniers temps à Alger, selon lesquelles des têtes de listes électorales pour les prochaines législatives sont proposées aux plus offrants. Des titres de la presse nationale ont même rapporté qu'un président de parti aurait offert des «têtes de listes» contre la modique somme de 100 millions de dinars. Il n'y eut pas de démenti ce qui peut être perçu comme un fait établi. Plus, ce leader vient d'indiquer, selon des quotidiens nationaux, qu'il a réussi à réunir 6 milliards de centimes grâce aux candidats à la législature. Certes, on ne peut, à partir d'un fait qui pourrait être isolé, généraliser et dire que tout est pourri, corrompu. Il n'en reste pas moins qu'il est - si dans le milieu politique la «chkara» est un fait inédit - de notoriété publique que dans le monde du sport et singulièrement du football, le fait est patent, quand à chaque fin de saison, des milliards s'échangeraient entre clubs et joueurs, qui pour jouer un titre, qui pour préserver sa place parmi l'élite. Des noms ont même été cités, mais les autorités du football ont toujours affirmé que faute de preuves ils ne pouvaient rien faire. Dans le football, la corruption est un fait avéré, voilà que le politique emboîte le pas et franchit la ligne rouge. Que reste-t-il de sacré lorsque ceux dont la mission est de gérer le pays, promouvoir son développement, sont prêts à tous les excès pour accéder à l'hémicycle parlementaire? Cela devient grave, lorsque l'on constate que la corruption a ainsi investi tous les milieux y compris les plus nobles qui auraient dû demeurer en dehors des surenchères de l'argent. Après les milieux social et économique, c'est l'espace politique qui est perverti par l'argent quand le trabendiste bien nanti prend le pas sur l'universitaire bardé de diplômes. Selon des échos parvenus de commissions de candidature des partis, de nombreux universitaires auraient été ainsi débarqués au profit des détenteurs de l'argent. Nous ne sommes plus à la formule «d'où tiens-tu ta fortune?» dès lors que l'argent ouvre désormais toutes les portes. Aussi, ce n'est plus la conviction et les idées politiques partagées qui font l'homme politique, mais ses avoirs personnels et son poids financier. Ce n'est plus la militance qui imprime la «ligne» politique du parti mais l'apport (financier) que les nouveaux riches peuvent lui apporter. Ce qui veut dire que ce sont les barons de l'informel qui, à partir de l'APN, formaliseront les politiques économique et sociale de la nation. Faut-il dès lors s'étonner que des députés aient conforté l'importation des chiffons et des voitures d'occasion? Comment aussi, s'étonner que les Algériens se soient détournés d'un exercice citoyen (le vote) en s'abstenant massivement? Un désaveu cinglant pour ce qui est devenu un simulacre électoral.