Malgré les graves turbulences qui l'entourent, les tensions, les conflits et les menaces venant de partout, l'activité culturelle reste plus forte au Liban. «Il se lève à l'Orient une aube culturelle vive et chaleureuse, comme le retour attendu d'un printemps des arts et des lettres...alors que la planète s'épuise en gesticulations, que la parole s'engloutit sans être écoutée, et que l'image glisse, le livre imperturbable, perdure dans la grande course du temps et garde sa fonction première de facteur de rêve, né pour dépasser la condition d'un homme tragiquement mortel. En ce sens, l'écrit réinvente le monde et le construit pour le propulser vers des sources plus fécondes. C'est ainsi que Frédéric Clavier, conseiller de coopération et d'action culturelle, directeur de la mission culturelle française à Beyrouth, au Liban, a présenté le 12e Salon international du livre francophone de Beyrouth qui s'est déroulé au Biel du 31 octobre au 9 novembre 2003. Ce salon, très attendu au Liban et considéré comme l'un des plus importants de la francophonie après Paris et Montréal, a connu une affluence très importante due à la richesse des ouvrages exposés, à la qualité des cafés littéraires, des conférences et débats qui y étaient animés et surtout à la présence d'éminents hommes de culture et auteurs, venus à la rencontre de leurs lecteurs. Parmi les livres les plus attendus de cette rentrée littéraire, on citera L'Histoire de Beyrouth, de Samir Kassir, paru aux Editions Fayard où il est question du rôle qu'a joué cette ville au fil des siècles, du mystère de cet intérêt que lui porte tous ses envahisseurs, du choix de ce lieu comme refuge aux intellectuels du monde arabe; Le Liban contemporain, histoire et société, du XVIIe siècle à l'actuelle IIe République de Georges Corm, paru aux éditions La Découverte, dans lequel l'auteur, fort de son expérience au ministère des Finances, décrypte le passé et analyse le présent de Beyrouth; Le berceau du monde, de Fady Stéphan aux Ed. Verticales, est aussi un ouvrage intéressant à lire: il décrit amoureusement une belle région du Liban Deir El Kamar, traversée par de nombreux voyageurs et qui reste majestueuse et magique malgré les luttes qui y opposent épisodiquement, Druzes et chrétiens. En marge de ce Salon, des conférences et cafés littéraires ont été animés sur divers sujets tels les enjeux de la lecture publique ; traduire, diffuser les échanges franco-arabes. Des séances de signatures d'ouvrages ont également eu lieu et on notera la présence du côté algérien de Malika Mokeddem et de Mohamed Kassimi. En parallèle, avec ce Salon francophone, un Salon international arabe se déroule également à Beyrouth-Expo du 31 octobre au 16 novembre 2003 auquel ont participé plus de 47 maisons d'édition dont Dar al Djil, Dar al Farabi, Dar Assaki, Dar Achourouk, Dar al Adaab, Dar el fikr al arabi et autres maisons du côté libanais ; pour ce qui est de la participation arabe, l'Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats Arabes unis étaient présents avec quelques-uns de leurs éditeurs. L'Algérie était également présente pour la deuxième participation consécutive à ce salon, avec deux éditeurs, l'un public, l'Anep, et l'autre privé, l'Association El Ikhtilef, tous deux venus dignement représenter l'Algérie, notre pays si riche et si productif mais dont personne ne prend la valeur au sérieux. Plus d'une centaine de titres algériens ont donc été exposés au pavillon algérien, ce qui a permis aux visiteurs de connaître quelque peu la production algérienne ou du moins, montrer que l'Algérie a aussi un potentiel d'écrivains, d'hommes de lettres et d'intellectuels qui est ignoré par beaucoup mais qui mérite d'être connu et reconnu à l'échelle internationale. Les Libanais ont ainsi eu l'occasion de connaître de près Lyès Boukraa, auteur du livre Algérie, la terreur sacrée, paru aux Editions Favres, puis repris et traduit par l'Anep en coédition avec la maison libanaise Dar al Farabi avec laquelle d'ailleurs de nombreux titres ont été coédités. En marge de ce Salon, pendant la journée et durant la soirée, des rencontres littéraires et des débats sont animés à la salle de conférence du lieu d'exposition. Par l'organisation de telles manifestations culturelles, dans un climat de tension, de conflits et de guerres, en faisant fi de tous les problèmes économiques et sociaux et en défiant tous les ennemis du Liban et de la culture, il s'agit de prouver que les activités culturelles ne sont pas «un pur divertissement réservé aux temps joyeux mais plutôt un instrument de pensée, de liberté et de combat» comme le dit si bien Patrick Kéchidian. Supprimer la culture d'un pays, quel que soit le pays, signifierait admettre la victoire d'une politique basée sur l'ignorance et la brutalité institutionnalisée, bannir le savoir, exclure l'homme de lettres et surtout, et c'est le plus grave, supprimer son identité...