Alexandre Arcady entouré de la comédienne du film et de Yasmina Khadra «Nous sommes assez mûrs pour dépasser nos aigreurs historiques» a déclaré Yasmina Khadra. «Il y a bien sûr des résonances qui vont se produire dans ce film-là, je pense à ceux qui sont dans ce déséquilibre et cette double culture qui vont peut-être trouver des réponses à travers ce film. Il ne faut pas passer à côté de l'essentiel qui est l'amour qu'on peut avoir pour les deux pays et pour une femme. C'est l'amour qui doit prédominer. La réconciliation serait la solution oui, c'est le désir de beaucoup de peuples. Pas des politiques...» nous a confié hier en aparté le réalisateur de Ce que le jour doit à la nuit, lors du point de presse animé à l'hôtel Sofitel. Ainsi, Alexandre Arcady, Yasmina Khadra et Daniel Saint-Hamont respectivement, réalisateur, auteur du livre et scénariste de l'oeuvre sont revenus sur les raisons et la genèse de ce long métrage qui évoque les péripéties d'une histoire d'amour impossible avec comme arrière plan historique la Guerre d'Algérie de 1930 à nos jours. Un film poignant, fleur bleue par moments mais un peu long flanqué de quelques maladresses au niveau des dialogues et de la mise en scène, bien qu'éblouissante dans l'ensemble. Un roman qui aborde un sujet grave biaisé par un prétexte saugrenu et dilué, rarement évoqué par le réalisateur lui-même, celui de la «faute» commise par Jonas en couchant avec la mère de sa bien-aimée. Une anecdote qui pèsera lourd sur la destinée du héros du film et fera basculer son avenir vers le chaos. Un amour impossible donc celui-là utilisé comme une métaphore pour représenter l'amour passionnel du «je t'aime moi non plus» entre la France et l'Algérie qui s'enlise dans les pardonne-moi, je te pardonne ou mieux expie et confesse tes fautes je te pardonne! Or, la tête des politiques c'est connu, est plus dur qu'un ballon! Aussi présents à cette conférence, les comédiens tels Nora Arnezeder alias Emilie, Younas/Jonas, alias Fuad Aït Aatou, Nicolas Giraud, alias Fabrice, Mathieu Boujenah alias Dédé, Salim Khechiouche alias Djelloul, Abbès Zahamani alias Bliss, Olivier Barthélémy, alias Jean-Christophe, Tayeb Belmihoub, alias Issa et d'autres qui souligneront leur attachement à ce film et joie de participer à cette fresque en se remémorant des souvenirs de leur grand- mère ou père sur la terre algérienne, entre générosité et partage. Pour Arcady, c'était important de souligner l'universalité de cette histoire offerte comme «un témoin» par Khadra qui lui a «fait confiance». Et de préciser à propos de cette histoire: «La nôtre» pour qu'elle puisse voyager et rencontrer du monde. Mais adapter à l'écran un long roman, ce n'est pas facile selon lui. «Je ne voulais pas dévier du sujet mais il a fallu réduire des personnages, faire des ellipses et ce pour faire un cinéma qui impose une certaine rythmique pour tenir en haleine et sous pression le spectateur. Faire ces transformations, c'est douloureux et j'ai dit à Yasmina d'attendre la fin du film pour le voir, c'est ce qu'il a fait...». Pour Yasmina Khadra, l'adaptation du roman a été aussi fidèle, a-t-il ironisé qu'il est avec sa femme. L'auteur de L'Attentat (adapté aussi au cinéma par Zied Doueri et programmé au festival de Torento) ne cessera de féliciter Arcady qui a «su amplement reproduire dans son film l'atmosphère de l'époque». Il relèvera avoir été séduit par «une lettre tellement poignante» qu'il lui avait envoyée pour lui demander d'adapter le film que le courant est vite passé alors qu'il ne le connaissait même pas avant. «Je ne voulais pas le décevoir car il a su avec son coeur, ses yeux me convaincre de le faire. Je voulais que le film soit fidèle au roman, je savais que c'était de la folie mais je l'ai vu et j'ai trouvé ça formidable et fantastique». A propos de son écriture mesurée qui ne juge jamais mais se montre tolérante et neutre, Yasmina Khadra dira avoir vécu toute sa vie dans le déni de soi. «Je suis un homme d'amour. C'est mon âme qui transparaît dans mes écrits. J'apporte un autre regard, une autre voix et une autre singularité. J'ai toujours été contre le manichéisme. Je suis un homme du Sahara. J'ai toujours pardonné. Nous sommes assez mûrs pour dépasser nos aigreurs historiques. Je ne peux pas détester un pays où je possède des milliers de lecteurs». Pour Arcady, il était nécessaire aussi de donner une certaine crédibilité aux personnages d'où les quelques modifications apportées dans le scénario, tout en signalant que si Fabrice va à Tipaza, c'est un peu l'hommage que rend Yasmina Khadra dans son livre à Albert Camus, chose qu'il avait bien sentie. Fait du hasard ou coïncidence, celui qui incarne ce personnage dans le film de Arcady a également interprété un rôle dans «Le premier homme», film de Gianni Amelio d'après l'oeuvre de Camus. Pour Tayeb Belmihoub, Franco-Algérien, son personnage incarne dit-il «la dignité, la fraternité et la capacité de résister». et d'ajouter: «L'Algérie, je la porte en moi. Je peux dire que de par ma double nationalité, j'incarne cette possibilité d'un amour incommensurable pour les deux nations.» Notons que Ce que le jour doit à la nuit sortira dans les salles en France le 12 septembre et au mois d'octobre à Alger ainsi que dans d'autres villes comme Oran, Mascara, Béjaïa et autres avec la perspective d'être projeté également dans les universités, a fait savoir le producteur algérien, Bachir Derrais.