Le président Hu a lancé un cri d'alarme tardif, à l'heure de son départ devant quelque 2 000 délégués du PCC réunis à Pékin, il ne s'est accompagné d'aucune annonce de révision majeure. Véritable testament politique, le discours du président Hu Jintao à l'ouverture jeudi du congrès du PC chinois (PCC) a livré à son successeur Xi Jinping une feuille de route inédite: s'il ne combat pas la corruption qui ronge le parti unique, a-t-il prévenu, c'est le régime tout entier qui s'effondrera. Mais sans lui fournir la moindre solution, selon les analystes. Cri d'alarme tardif, lancé à l'heure de son départ devant quelque 2000 délégués du PCC réunis à Pékin, il ne s'est accompagné d'aucune annonce de révision majeure: pour Hu Jintao, si la Chine souffre de la corruption de ses élites, seule «la foi communiste dans le marxisme, le socialisme et le communisme» peut la sauver, car elle est son «âme politique», a-t-il dit. Et à défaut de citer une quelconque réforme politique, le président sortant s'est évertué durant 90 minutes à souligner «le rôle dirigeant» du PCC qui doit encore se renforcer dans tous les domaines, car «jamais nous ne copierons un système politique occidental»», a-t-il dit. Hier, la presse officielle soulignait à l'unisson que le secrétaire général sortant avait engagé le PCC à «maintenir résolument la voie socialiste aux caractéristiques chinoises». «Alors que certains conservateurs plaident pour un retour au passé plus égalitaire de la Chine, avec une économie planifiée et un contrôle idéologique, d'autres influences libérales ont cherché à dupliquer en Chine le modèle occidental», commentait hier le quotidien officiel Global Times. A l'issue du congrès, Xi Jinping héritera du plus grand parti du monde, avec 82 millions de membres, au contrôle de tous les échelons de la société et de l'économie chinoises, deuxième mondiale depuis 2010. Mais «le Parti» est malade. Les dangers qui le guettent sont «de plus en plus graves». La corruption «est un problème politique majeur, source de grande inquiétude dans la population». Elle requiert «un engagement politique clair du Parti à long terme», a souligné Hu Jintao. Miné à la base par les prébendes, pots-de-vin et abus de pouvoir de ses cadres locaux, il est éclaboussé au sommet par des révélations sur la fortune des familles des plus hauts dirigeants, dont celle de Xi Jinping lui-même. Et l'affaire Bo Xilai, du nom de l'ex-membre du Bureau politique déchu cette année, impliquant à elle seule corruption, abus de pouvoir et mort d'homme, a empoisonné les préparatifs du congrès communiste. «Si nous échouons à traiter cette question correctement, elle pourra s'avérer fatale pour le Parti, et même provoquer son effondrement et la chute de l'Etat», a averti Hu Jintao à la fin de son discours. L'allusion est claire au soulèvement du «printemps de Pékin» de 1989, quand la population, à travers tout le pays, était descendue dans la rue pour exiger la fin de la corruption - déjà - et des réformes politiques. Le Parti et l'Etat s'étaient retrouvés au bord de l'effondrement, comme ils l'avaient été déjà dans le passé durant la révolution culturelle (1966-76). Dans les deux cas, seul le recours à l'armée avait sauvé le régime. Les solutions? «Nous devons encourager les membres du Parti à devenir des parangons de vertus socialistes», «étudier le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong», «être fermes dans notre idéal et nos convictions et rester fidèles à la foi des communistes», a assuré le président sortant. Tout juste Hu Jintao concède-t-il qu'il faut aussi aux communistes chinois «continuer à libérer (leurs) esprits» et «promouvoir la démocratie à l'intérieur du Parti». Des formules quasi incantatoires - sur quelque 50 pages de discours, les phrases commencent presque toutes par «Nous devons» ou «Il faut que» - qui risquent de n'être pas d'un grand secours à M.Xi, prié en réalité d'assurer la continuité et, pour l'essentiel, de parvenir à faire «doubler le PIB chinois d'ici 2020» et le revenu par tête. «Décidément, Hu Jintao ne se distingue pas par sa créativité», a commenté le politologue français Jean-Philippe Béjà, spécialiste de la Chine. «Si Hu a mentionné la nécessité d'une réforme politique, on n'a vu aucune piste se dessiner», a-t-il estimé.