Un acte citoyen La démocratie mérite d'être applaudie. Ne serait-ce que pour sa géométrie variable qui fait que tous les hommes, absolument tous, quelle que soit leur véritable nature et indifféremment de leur situation et de leurs réelles intentions, peuvent se dire démocrates. Ceux qui militent pour que les élections locales et autres se fassent autour de programmes et de projets, le font au nom de la démocratie. Ceux qui s'agitent pour que le vote ait lieu par et pour certains archs, ou certaines tribus, et autour des personnes sans aucun regard pour les programmes ou projets, le font aussi au nom de la démocratie. Ceux qui veulent que ne se présentent que des gens aptes à bien conduire les affaires du pays, le crient fort au nom de la démocratie et ceux qui mobilisent argent et temps pour que muets, incapables et inaptes, se rencontrent et accaparent les responsabilités et postes dans notre pays, le font aussi au nom de la démocratie. La démocratie, c'est, dit-on, la loi de la majorité, mais à bien y penser, les minorités exigent toujours la démocratie car, disent-ils, elle seule est à même de leur garantir leurs droits et les préserver de toute dictature de la majorité. C'est donc, aussi la joie de la minorité! Mais la démocratie va plus loin que ces choses, presque futiles, du quotidien... Elle est la revendication, l'objectif et la légitimité de ceux qui luttent, auprès des peuples, contre des gouvernants enclins à l'autocratie ou à la dictature. Elle a été l'unique revendication de ceux qui, mains nues, étaient descendus dans les rues de Sidi Bouzid, affronter les balles du régime déstabilisé de Ben Ali. Elle a été aussi la demande pressante de ceux qui s'étaient rassemblés place Tahrir et avaient fait face aux provocations et aux expéditions punitives du régime en décomposition de Moubarak. Elle peut être aussi le rêve, parfois interdit, mais souvent difficile, de peuples opprimés, ou à la liberté spoliée comme le peuple sahraoui juste à côté de nous, ou comme c'est le cas pour d'autres peuples ici, près de nous, et ailleurs, à quelques pas ou à des milliers de kilomètres. Mais la démocratie va toujours plus loin que les simples choses du quotidien... Elle est l'excuse maîtresse et la carte brandie par les gouvernants lorsqu'ils se laissent aller au bon goût et aux délices du pouvoir. La démocratie tel un «prétexte littéraire» est toujours servie en entrée aux démunis et aux «ghalaba», c'est-à-dire au petit peuple, par ceux qui veulent user et abuser de leurs pouvoirs. Elle est l'alibi des criminels qui, au nom de la démocratie, lâchent des policiers dans la rue pour tirer sur des manifestants innocents et désarmés. Elle est le marteau qui tombe sur la table de l'humanité lâché par les puissants qui s'en vont coloniser et anéantir d'autres pays. L'Irak en sait quelque chose de cette démocratie qui marche la main dans celle des chars, lance des gazouillis de Tomahawks et danse au rythme et au bruit de B52 et de F16. La Libye aussi en sait quelque chose! Mais la démocratie va plus loin... toujours plus loin! Elle est le poème de ceux qui, d'un coup, se retrouvent de l'autre côté du miroir... ceux qui, hier encore, appelaient au départ de dictateurs et qui, aujourd'hui, se mettent à leur ressembler... De la concentration des pouvoir à l'abus, il n'y a généralement qu'un ordre à donner pour que l'on bascule définitivement du mauvais côté! Et la démocratie va plus loin encore, comme toujours... elle est la chanson de ceux qui réduisent le nombre de mandats dans les Constitutions des pays, et la chanson de ceux qui les augmentent. Elle est le mensonge de ceux qui trichent et la tricherie de ceux qui mentent. Ceux qui ne viennent que, disent-ils, pour instaurer la démocratie et ceux, aussi, qui ne partent que, prétendent-ils, pour instaurer la démocratie. La démocratie... bel ensemble de prouesses! En attendant, et au nom de la démocratie, on a vu défiler sur nos petits écrans des vertes et des pas mûres... Ceux qui appellent les citoyens à les élire sans trop savoir à quelle responsabilité, ceux qui ne savent tout simplement pas pourquoi ils sont là et, bien sûr, ceux qui savent tout... depuis le début de l'histoire de notre démocratie jusqu'à... notre enterrement et qui continueront à revenir, même lorsque nous ne serons plus là pour les écouter ou, plutôt, pour ne pas les écouter, exactement comme on l'a fait tout au long de cette campagne qui vient de prendre fin... Ouf! enfin!