Le vote de la loi électorale est reporté sine die, pour reprendre l'expression consacrée. C'est la suite logique du sit-in organisé par les députés FLN devant la palais Zirout-Youcef, et des échauffourées qui les ont opposés violemment aux forces de l'ordre. On ne peut pas en effet légiférer dans les travées de l'Assemblée nationale et marcher en déployant une banderole sur le boulevard Front de mer, à Alger. Les deux activités ne sont pas compatibles en soi. Cela dit, quelle sera la conséquence de cet ajournement imprévu sur l'activité parlementaire? Le travail du législateur sera-t-il gelé? Et pour combien de temps? Objet de controverses et de passe d'armes entre les différents acteurs politiques, cette loi-cadre est décidément frappée du sceau de la lenteur, du marchandage, et d'un travail de coulisses intense. Les amendements ont été proposés par le groupe parlementaire El-Islah du cheikh Abdallah Djaballah qui a émis le souhait de voir supprimer les urnes spéciales et le vote des corps constitués sur leur lieu de travail. Interrogé à ce propos, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Nouredine Yazid Zerhouni, avait répondu dans un premier temps qu'il faudrait demander l'avis de l'armée, principale institution intéressée par cette suppression. Il a aussi posé le problème sécuritaire qui pourrait être induit par une telle mesure en insistant également sur le taux d'abstention qui pourrait en découler. Ces arguments techniques et sécuritaires n'ont pas convaincu les élus de la nation qui y ont vu des arrière-pensées politiques non avouées, comme celui d'utiliser les urnes spéciales pour généraliser la fraude. Ensuite, c'est la commission juridique de l'APN, à dominante FLN, qui a emboîté le pas à la proposition du MRN en la faisant sienne et en la portant au firmament. Le dernier argument mis en avant par M.Zerhouni, après que la commission juridique eut endossé ce texte, consiste à dire qu'il sera tout de même bloqué au niveau de la deuxième chambre du parlement, contrôlé par le RND et où le gouvernement dispose de la minorité de blocage représentée par le tiers présidentiel. Après donc tous ces avatars, ces péripéties et ces coups de théâtre, est arrivé le gel des activités du FLN et l'invalidation du 8e congrès par la chambre administrative de la cour d'Alger. On a vu s'amonceler les nuages depuis cette fameuse décision, et le sit-in d'hier des députés est un peu le début d'un processus dont on ne conçoit pas pour l'instant le dénouement. Est-on entré dans une phase décisive qui va voir geler les activités du parlement? A quatre mois des élections et alors que de nombreux chantiers sont ouverts, l'Exécutif peut-il se permettre de rouler sans vie parlementaire? Le président aura-t-il recours aux ordonnances pour faire passer ses réformes? Aura-t-il recours à d'autres mesures? L'Assemblée populaire nationale sera-t-elle dissoute? On se souvient qu'au lendemain du limogeage de M.Ali Benlis de la chefferie du gouvernement, suivi du départ des ministres FLN du gouvernement, plusieurs scénarios avaient été esquissés, dont celui du retrait des députés FLN de l'APN, ou bien carrément de la dissolution de cette dernière par le président de la République. Mais le groupe parlementaire FLN avait fait preuve de sagesse pour ne pas bloquer le fonctionnement normal des institutions, et ce, en votant toutes les ordonnances présentées par l'Exécutif. Apparemment, ce dernier n'a pas renvoyé l'ascenseur, et au lieu de calmer le jeu et d'appeler au calme et à la stabilité, il a initié un certain nombre de mesures qui ont attisé les foyers de tension. Aujourd'hui que la crise est bien là et que les contradictions ont monté d'un cran, ces scénarios catastrophe remontent à la surface. Après les échauffourées d'hier, le point de non- retour est-il atteint? Les ponts sont-ils définitivement coupés entre le gouvernement et la majorité parlementaire? Il est fort probable que le députés FLN, avec la solidarité agissante de ceux du PT, d'El-Islah et des indépendants, pourraient être amenés à voter une motion de censure dont l'effet immédiat serait de faire tomber le gouvernement, en mettant mal à l'aise l'action de l'Exécutif à quelques mois de la présidentielle. Il faut être bien malin pour deviner ce qui se passera après ça. Toutes les hypothèses sont ouvertes.