Se ralliant aux conclusions de son service juridique, le Pentagone vient d'indiquer le nouveau statut de l'ex-président irakien. Que faire de Saddam Hussein? C'est sans doute cette question qui a taraudé les officiels américains, depuis la capture, le 13 décembre dernier, du dictateur irakien. De fait, à propos de Saddam, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a été jusqu'à déclarer, aux journalistes qui le pressaient sur le sort réservé à l'ancien président irakien, «C'est un bourbier, si je commence à y mettre les pieds -pardonnez-moi le mot- c'est un cloaque, si je commence à m'y engager». Mais, les choses se décantent quelque peu et le sort futur de l'illustre prisonnier commence à prendre forme. Ainsi, conformément aux recommandations de son service juridique, le Pentagone, a annoncé officiellement, vendredi soir, que l'ancien président irakien Saddam Hussein «a le statut de prisonnier de guerre ennemi». Cette décision met, en fait, un terme aux spéculations ayant entouré le cas de l'ancien maître de Bagdad par l'octroi d'un statut qui donnera au prisonnier d'organiser sa défense, de même qu'à la justice de se prononcer dans la sérénité, sinon dans la clarté. De fait, le Cicr, (Comité international de la Croix-Rouge) se félicitant de cette décision a toutefois assuré que Saddam Hussein bénéficiait déjà des visites de représentants du Cicr, indiquant que, selon la Convention de Genève, dont le Cicr veille à son application, «ce droit est en effet accordé à toute personne capturée pendant un conflit, et ne concerne pas seulement les combattants avec statut de prisonniers de guerre» comme le souligne le porte-parole de la Croix-Rouge internationale. Il reste que cette décision prise par le Pentagone a été très mal comprise par le Conseil intérimaire de gouvernement irakien. Ainsi, le juge Dara Noureddine, membre du Conseil transitoire irakien, chargé du comité judiciaire, estime que Saddam Hussein «sera peut-être jugé dans les six prochains mois» exprimant cependant «l'étonnement» de la direction irakienne par le fait qu'elle n'a pas été associée à cette décision indiquant: «Nous sommes étonnés par cette décision et allons en parler avec l'Autorité provisoire de la coalition (Cpa), car nous n'en avons jamais discuté auparavant». M.Dara ajoute, manifestement peu satisfait de la tournure que prend le futur procès de l'ex-dictateur, «Pour nous, cela ne change rien. La déclaration du Pentagone ne nous concerne pas. Il est un criminel. Il a commis des crimes contre les Irakiens et sera jugé par les Irakiens devant un tribunal irakien» allusion sans doute aux 15.000 gazés de Hallabja au Kurdistan irakien. Sur un autre plan, les Etats-Unis qui ne parviennent pas à maîtriser la situation sécuritaire en Irak, qui ne fait pas qu'empirer, presse les Nations unies à revenir et à reprendre leur place en Irak. L'ONU qui ne bénéficia d'aucun statut spécial en Irak, où la coalition américano-britannique est maître du jeu, échaudée par les attentats qui l'ont visée durant l'été dernier, avec la mort, le 19 août, de Sergio Vieira de Mello, représentant personnel en Irak du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan. L'ambassadeur américain auprès de l'ONU, John Négroponte, a rencontré, vendredi, Kofi Annan, à l'effet de discuter, entre autres, de la réunion devant regrouper le 19 janvier prochain, des représentants de l'ONU et du Conseil transitoire irakien, et cela, à l'invitation de M Annan. M.Négroponte a laissé entendre, au sortir de son entretien avec le secrétaire général de l'ONU, que les Etats-Unis participeraient à cette rencontre à «un niveau approprié», sans préciser lequel. De fait les Américains sont maintenant pressés de concrétiser l'accord de transition conclu avec le Conseil irakien, plan de mise à niveau du futur pouvoir irakien tel que l'a annoncé, à la mi-novembre, l'administrateur en chef américain, Paul Bremer. Aussi, c'est dans ce contexte que les Américains espèrent une participation active de l'ONU comme l'indique un haut responsable américain qui a requis l'anonymat: «Nous nous attendons et nous espérons que le secrétaire général (de l'ONU) nous appuiera pleinement dans la mise en place de l'accord (entre la coalition et le Conseil transitoire irakien) tel qu'il a été écrit». A l'épreuve du terrain, Washington constate que l'ONU demeure irremplaçable et incontournable.