Les cheikhs étalent leurs divisions à longueur de colonnes de journaux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la libération des deux leaders de l'ex-FIS n'a pas réussi à recoller les morceaux du parti dissous. Les cheikhs étalent leurs divisions à longueur de colonnes de journaux. Le numéro 1 se permet même le luxe de s'exprimer à travers la prestigieuse chaîne qatarie Al Jazira et de donner des conférences de presse, réduisant à néant l'interdiction qui lui a été faite de faire de la politique et de s'exprimer en public par quelque moyen que ce soit. La manière dont Abassi Madani a obtenu son passeport puis a quitté le territoire national a déjà fait couler beaucoup d'encre, et le ministre de l'Intérieur, M.Zerhouni ainsi que son chef du gouvernement, M.Ouyahia, ont déclaré que rien n'empêchait a priori M. Abassi Madani de voyager pour des soins à l'étranger. Cet argument de la santé est fallacieux, puisque M.Madani lui-même a affirmé que son seul souci reste celui de trouver une issue à la crise qui secoue l'Algérie depuis plus d'une décennie, reconnaissant qu'il est en mesure de faire arrêter l'effusion de sang et de mettre un terme à la tragédie qui frappe le pays. M.Ali Benhadj, qui, lui aussi, est malade, n'a pas eu les mêmes facilités pour quitter le territoire national, et comme il est jugé trop turbulent, ses déplacements sont suivis de près par les services de sécurité. Outre la virée qu'il a effectuée dernièrement à Chlef, il fait signer ses déclarations par son propre frère qui est devenu en quelque sorte son porte-parole. Mais l'acte qui a le plus retenu l'attention reste ce déplacement qu'il a effectué au siège du FLN pour apporter son soutien à M. Ali Benflis à la suite de la décision de justice gelant les instances issues du 8e congrès du FLN. En d'autres termes, on a bien l'impression que le courant ne passe pas entre les deux leaders de l'ex-FIS. Alors que le numéro 1 assure qu'il a remis une initiative de sortie de crise aux «décideurs», en y incluant l'armée, la présidence, les partis politiques et la société civile, il semble que le numéro 2 n'ait pas du tout été associé à cette initiative. Alors, le divorce est-il consommé entre les deux personnalités? M.Ali Benhadj soutient-il la plate-forme élaborée par les onze personnalités nationales demandant le départ du gouvernement, la mise sur pied d'une instance de surveillance des élections et la protection des comités de soutien des candidats? On avait déjà la nette impression que la classe politique était coupée en deux : d'un côté le président, le RND et le mouvement des redresseurs du FLN, et de l'autre le groupe des onze, dont Djaballah et Louisa Hanoune seraient plus ou moins proches. Et que ce qui reste du FIS dissous, représenté par ses deux numéros 1 et 2, est partagé à parité égale entre les deux courants. Dans quel chapitre faut-il donc classer l'ordre signifié à Ali Benhadj de respecter les interdictions qui lui ont été intimées? A l'heure qu'il est, toutes les hypothèses sont valables. Ali Benhadj reste-t-il un acteur politique incontournable? L'incursion des deux cheikhs du FIS dissous va sûrement compliquer une élection qui s'annonce déjà électrique, d'autant plus que le vivier électoral du FIS reste un enjeu capital. En tout cas, la grille de lecture indique que les interventions plus ou moins contrôlées de Ali Benhadj peuvent contribuer à faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.