La communauté algérienne a réservé un accueil chaleureux au candidat. Métamorphose du candidat du FLN. Le premier meeting de campagne d'Ali Benflis, organisé hier à Saint-Denis (93) à l'initiative du Comité de soutien et du FLN France, a révélé un autre visage du concurrent direct du président sortant Abdelaziz Bouteflika. La communauté algérienne de la région parisienne (il n'y avait pas que les Flnistes) qui a répondu en nombre à l'appel, a découvert un candidat résolument engagé dans la bataille pour une «nouvelle Algérie». Certains sont venus de Belgique et de Suisse. Le retard (1h 30) avec lequel a démarré le meeting a vite été oublié. Casquettes vertes et t-shirts proclamant «Benflis président», portrait brandi haut, le show pouvait commencer. «Vous êtes une partie indissociable de l'Algérie, s'est exclamé Ali Benflis. Ensemble nous partageons l'amour de notre pays. Vous avez gardé votre amour de l'Algérie intact malgré les vicissitudes du temps.» Applaudissements nourris de la salle. «Je suis venu vous parler de mon projet pour l'Algérie.» Un projet basé sur le triptyque «démocratie, Etat de droit et bonne gouvernance». Lorsqu'il dénonce la «gabegie» qui préside à la gestion des affaires en Algérie, l'ovation se fait plus nourrie. Debout, l'assistance lance ses encouragements à l'orateur qui ne s'est pas fait prier pour lever le ton et déclamer sa foi en son projet. «Je sais que vous rêvez d'une Algérie qui réhabilite la droiture, la compétence et l'honnêteté. Vous en avez assez de la médiocrité, du népotisme et de la dilapidation des deniers publics. Vous aspirez à la dignité et au respect des droits de chaque citoyen. Moi aussi.» Il promet de faire ce que le «président-candidat» avait promis en 1999, mais qu'il « n'avait jamais réalisé ». Pour dissiper les interrogations sur les «amitiés» passées d'Ali Benflis avec Abdelaziz Bouteflika, dont il fut Premier ministre, Dahmane Abderahmane, président du comité de soutien, a d'ailleurs tenu à revenir sur la «trahison» du président. «Nous avions été induits en erreur. Nous avions soutenu un programme, mais il nous a trompés.» «L'humilité» de M.Benflis n'a pas entravé sa fougue. Le candidat FLN a subjugué par son assurance. Au fur et à mesure du déroulement de son discours, passant du français à l'algérien, puis au chaoui, le candidat de la «nouvelle Algérie» a taillé des croupières au président Bouteflika dont il a dénoncé l'autoritarisme et l'individualisme. «Triste bilan pour un président de la République dont l'ambition était, en 1999, de donner à l'Algérie un autre visage. Au lieu de cela, nous avons eu droit à une gestion musclée, un accaparement des services et moyens de l'Etat au profit de sa seule image, le musellement de la presse et de la justice», a-t-il lancé, en égrenant les «multiples atteintes» à l'Etat de droit, au respect des institutions élues, etc. Ali Benflis ne s'est pas contenté de descendre celui qu'il avait servi « avant que je me rende compte de sa trahison». A la communauté algérienne de France il a promis, «si je suis élu», de faire sauter les barrières qui freinent ses investissements en Algérie, l'amélioration de l'accueil dans les représentations diplomatiques et consulaires, etc. Un maître mot, la «bonne gouvernance». «Vous avez toujours été aux côtés de vos compatriotes dans les moments difficiles», lance-t-il sous les applaudissements et les «Benflis président». Il citera en exemple l'élan de solidarité avec les victimes du tremblement de terre de Boumerdès et les longues années du terrorisme. Benflis tente difficilement de parler en arabe. Le contexte favorise plutôt le français, souvent le «françarabe». «Il faut que les Algériens redeviennent fièrs d'une Algérie remise au niveau des normes mondiales de gestion et de gouvernance.» L'orateur se désolera aussi de la déperdition des compétences des intellectuels et scientifiques algériens à l'étranger. Ali Benflis répondait ainsi à la plate-forme de revendications qui lui avait été remise par les jeunes sympathisants issus de l'immigration. «Je suis franc et j'ai le courage de clamer ma franchise», martèle Ali Benflis, qui donne en gage de son honnêteté sa «dimension nationale» et son ouverture d'esprit. «Je ne suis pas un homme dogmatique. Je suis un homme de dialogue, un démocrate convaincu. Je ne parle pas pour mon parti, mais je m'adresse à tous les Algériens, car notre action salvatrice doit rassembler au-delà du FLN.» M. Benflis sait que «la fraude a commencé», mais il refuse de se déclarer vaincu par avance. «Bouteflika veut se tailler un costume sur mesure, mais il se trompe d'époque et de peuple. L'Algérie d'aujourd'hui n'est ni celle des années 1960 ni celles des années 1970.» Visiblement touché par la clameur des sympathisants, Ali Benflis se lâche encore un peu plus. Il lance son «cri de guerre»: «Voulez-vous mener le combat avec moi?» Un «oui» vibrant est monté de la salle. «Il faut en finir avec la culture de l'allégeance, du complot et de la division, et insuffler celle de l'écoute, de la tolérance et de la solidarité», déclare-t-il, avant de conclure en tamazight «marchons main dans la main». Quelques vieux Kabyles présents sont cependant repartis avec une certaine amertume. «Il n'a pas dit un seul mot sur tamazight et la crise en kabylie. Cela ne me rassure pas», se désole la grand-mère, ancienne moudjahida et mère d'un journaliste assassiné par les groupes armés. Le comité de soutien à la candidature de M. Benflis a passé son premier test avec succès. «L'heure de la vengeance a sonné», promet Dahmane Abderahmane.