Rached Ghannouchi va se ressourcer au Qatar Alors que la situation s'aggrave en Egypte, les choses bougent en Tunisie. Le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, s'envolait pour Doha, au moment où le président français François Hollande arrivait en visite en Tunisie. Un ballet diplomatique qui en dit long sur les craintes des islamistes tunisiens de voir la crise égyptienne les rattraper et relance le doute sur l'avenir politique du pays. Officiellement, Rached Ghannouchi s'est envolé pour le Qatar en compagnie de l'ex-ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, ainsi que du nouveau secrétaire général du CPR. Publiquement pour féliciter le nouvel émir du Qatar, mais les observateurs de la scène politique perçoivent cette virée au Qatar comme une demande d'orientation en cas d'explosion de la situation en Egypte. Car la chute de Morsi pourrait servir de déclencheur à la demande de départ d'Ennahdha, de plus en plus contestée par le peuple en Tunisie. A l'occasion de sa visite au Qatar, Ghannouchi pourrait aussi rencontrer les sénateurs américains John Mc Cain et Lindsay Graham, indique-t-on à Tunis. Vu l'accueil chaleureux qu'avait reçu John Mc Cain en Tunisie, il est probable qu'une telle rencontre soit au programme de la délégation tunisienne, selon les observateurs tunisiens. Il n'est pas exclu que Ghannouchi cherche des garanties auprès des ses parrains qataris. Car au même moment, le président français François Hollande sera l'hôte, aujourd'hui et demain, de Tunis. Le président français n'a pas programmé de rencontrer Ghannouchi selon des sources françaises. Pour préparer la visite de Hollande, son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, a expliqué que s'il y a un pays qui a vécu le Printemps arabe et a le plus de chances de réussir, c'est probablement la Tunisie. Le ministre français a notamment déclaré: «la Tunisie est un pays qui a un niveau de développement important, où il y a une tradition du respect de la femme qui est importante, un pays qui a des ressources économiques, mais qu'il faut l'aider.» Cette visite d'Etat, dernière d'une série de voyages du président français au Maghreb après l'Algérie, en décembre 2012, et le Maroc en avril, s'inscrit dans un contexte de vives tensions régionales, en Egypte et en Libye. Une visite sous haute surveillance, en raison de l'instabilité qui s'est subitement installée en Tunisie après l'annonce du retrait du général Amar, l'homme fort de la révolution du Jasmin et l'explosion de la situation en Egypte face à la contestation du président Morsi par de très larges franges de la population égyptienne. La France, qui a raté le printemps arabe, ne souhaite pas manquer le passage à la démocratie en Tunisie et éventuellement la fin de l'islamisme politique d'Ennahda en cas de chute de Morsi et du départ de Ghannouchi. Lors de sa visite, François Hollande délivrera un «message d'encouragement» à l'ensemble des forces politiques tunisiennes. Il devrait toutefois se garder d'évoquer la moindre échéance pour les travaux de l'Assemblée nationale constituante élue en octobre 2011, qui doivent mener à des élections en Tunisie qui piétine depuis plus d'un an et demi. Le programme de la visite du président Hollande demeure secret et les organisateurs de la visite ont supprimé le bain de foule et tout contact avec l'extérieur. En plus de sa protection rapprochée personnelle, le président Hollande serait accompagné par le Gign (section spéciale de la gendarmerie française), pour parer à toute éventualité. Le président Hollande qui n'a pas encore réagi à ce qui se passe en Egypte fera le voyage en Tunisie avec une dizaine de ministres, mais avec une absence très remarquée: celle du ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui s'était attiré les foudres du parti islamiste au pouvoir Ennahdha pour avoir parlé de la montée d'un «fascisme islamique» au lendemain de l'assassinat de l'opposant tunisien, Chokri Belaïd, tué le 6 février à Tunis. Si le bain de foule a été supprimé du programme, le président François Hollande aura beaucoup de rencontres personnelles. Il devrait, notamment s'entretenir avec la veuve de Ferhat Hached, leader nationaliste et «père du syndicalisme tunisien» dont l'assassinat en 1952 a été attribué à la Main rouge, une organisation paramilitaire active sous le protectorat français (1881-1956). Le président Hollande devrait, à ce sujet, annoncer l'ouverture des archives françaises relatives à cet assassinat et en remettre lui-même une copie à ses hôtes.