Pendant toute la durée de ma participation au combat libérateur contre l'armée française dans les maquis de la wilaya IV, j'avais toujours sur moi un petit carnet de route, j'y écrivais, je notais des noms, des dates, des lieux, tous ces événements qui m'ont marqué à tout jamais. J'y écrivais et relatais nos embuscades et accrochages contre l'ennemi durant la Révolution armée du 1er Novembre 1954. Aujourd'hui, je peux écrire les lettres que je voulais adresser aux familles de nos moudjahidine, aux parents de mes compagnons morts au Champ d'honneur, en héros à mes côtés, en faisant le sacrifice suprême avec la conviction de n'accomplir que leur devoir de patriotes, de combattants de la liberté en se voulant anonymes. Maintenant, je veux écrire les lettres que je n'ai pas inscrites dans les moments difficiles, ces lettres à nos jeunes enfants de notre valeureux peuple pour qu'ils n'oublient jamais nos vaillants chouhada morts au combat, face à l'armée française qui n'a pas hésité à pratiquer la politique de la terre brûlée ; elle détruisait tout sur son passage, brûlait maisons et forêts, se vengeait sur notre courageux peuple sans armes, qui a consenti tous les sacrifices ; par son engagement, il était plus qu'un soutien logistique ; je n'oublierai jamais, et cela doit rester gravé dans la mémoire collective, l'accueil chaleureux, réconfortant et revigorant que nous réservaient les populations civiles en nous nourrissant et nous logeant après nos batailles et nos longues marches harassantes de plus de dix heures, bien des fois. En effet, combien sont-ils de nos enfants de vingt ans, universitaires, les forces vives de l'Algérie de demain à connaître le chahid Si Zoubir de Soumaâ de son vrai nom Souleïmen Tayeb, mort héroïquement au Champ d'honneur le 22 février 1957 dans le douar de Sbaghnia dans la wilaya de Blida pour protéger la vie d'environ quatre cent étudiants qui avaient fui les villes après la grève générale des huit jours et qui étaient en attente dans cette localité avant d'être envoyés en Tunisie et au Maroc pour l'acheminement d'armes à notre wilaya qui en avait grand besoin ou afin de terminer leurs études. Mais le nombre important d'étudiants, restés trop longtemps, a attiré l'attention des soldats français et vers 15 heures, ils se sont retrouvés encerclés par une quinzaine d'hélicoptères «Sikorsky».