Sceine du film égyptien Harag w'Marag Jeudi, la salle Maghreb présentait dans le cadre de la compétition officielle un long métrage égyptien suivi d'un autre syrien. Rien ne semble indiquer actuellement cette année encore qu'un festival de cinéma se déroule à Oran. Certes, l'on reconnaît et retrouve avec plaisir quelques têtes familières, mais le coeur n'y est pas. La flamme du Fofa semble bel et bien éteinte. Beaucoup se plaignent du manque d'organisation mais aussi de communication et de coordination. Alors, à défaut d'aller se pavaner au fameux village de l'hôtel Méridien, contrefait factice pour starlettes en manque de reconnaissance et lieu d'animation pour ceux qui peuvent s'y rendre, les salles obscures demeurent le noeud cardinal vers lequel convergent les vrais amateurs de cinéma, après que les curieux et autres badauds aient vidé les lieux, petit à petit, jusqu'à la fin du film, à trop s'ennuyer faut-il se demander. Le Fofa a perdu de sa noblesse d'antan. Un petit tour d'horizon vite fait nous permet d'assigner ce constat. On aurait dit, non plus un festival, mais des journées du film arabe sans plus. Mais cela nous l'avons déjà constaté l'an dernier. Pourquoi y revenir? Peut-être croyons-nous naïvement en la relance de son faste d'antan? L'espoir c'est ce qui demeure désespérément après dans le coeur des gens en les incitant à croire inlassablement en des jours meilleurs...Un thème fortement développé à juste titre dans le long métrage Meriem de Basil El Khatib, dont c'est la seconde fois qu'il frôle le sol algérien, après 25 ans, a avoué avant la projection. Le film a été réalisé en 2012 tient-il à indiquer encore, autrement dans le contexte sanglant actuel qui secoue la Syrie. Le public est d'emblée sous le coup de l'émotion, attendri et comme déjà conquis. D'ailleurs, on y applaudit même à la fin de la projection malgré sa qualité cinématographique assez discutable. Que raconte le film? Verra-t-on un Bachar El Assad? Non, le réalisateur a préféré planter son décor hivernal (il pleut quasiment tout au long du film) dans la Syrie épique, à travers l'entrecroisement de trois histoires héroïques de femmes dont le point commun est le prénom Meriem. Un nom d'emblée symbolique car biblique, à travers lequel est contée l'histoire politique tragique de la Syrie, de la guerre de 1918, 1967, à nos jours. Les histoires sont déclinées par fragment et flash-back, narrées et marquées par un certain relent de lourdeur par moment, à coups de violon et de séance de pleurnicherie à outrance. L'ambiance onirique qui s'en dégage pourtant a comme des allures d'un conte russe ou d'un tableau de Rembrandt tant les paysages naturels sont d'une magnificence extraordinaire, saupoudrés de brouillard et de jument dont le pied s'enfonce dans la fange, mais aussi de terre qui se mélange à l'eau de pluie et du sang des humains, du feu des bombardements et des cris et peur des enfants. Ces femmes portent d'ailleurs en elle le fardeau de la maison, car ayant tout perdu soit un membre de la famille, un mari, une tante, une soeur ou un enfant. Elles incarnent le supplice de Jésus ou la prière de la Vierge Marie dans sa totale prosternation. Ce n'est que vers la seconde partie du film que le brouillard entretenu sur ces femmes commence à se dissiper et le mystère «de qui» est enfin résolu. Cependant, beaucoup de temps aura passé pour enfin démêler tout cet imbroglio scénaristique non sans avoir jeté une tonne de seaux d'eau sur la tête des actrices, toujours bien maquillées au demeurant, doublées d'un regard austère et des larmes à faire remuer un loup dans sa cage ou déterrer un mort. Des vies aux destins tragiques dans un pays qui renaît de ses cendres que pour renouer avec la mort, hélas. Peu de place est accordée à la paix, sinon qu'à l'éternel recommencement de la guerre, à la mélancolie, comme une fatalité. L'histoire de la Syrie est ainsi vue par le biais des sempiternels sacrifices de la femme syrienne pour sauvegarder sa famille. Une mosaïque de cultures religieuses aussi comme l'est la Syrie d'aujourd'hui avec ses différentes composantes confessionnelles. «Le message est qu'on peut tout dépasser, affronter la mort, se surpasser pour survivre. Effectivement, certains doivent mourir pour que d'autres vivent..», dira le réalisateur aux micros des journalistes dans le hall de la salle Le Maghreb, jeudi dernier. Dans un autre registre moins mélodramatique est le film égyptien Harag w'Marag (anarchie et désordre) de la réalisatrice Nadine Khan. Cette dernière, loin d'aborder la révolution (son film a été écrit avant le printemps arabe) a choisi pour sa part de dresser son décor de cité entièrement construit, à l'instar d'un camp de réfugiés où vivent dans la marge, une population qui ne pense qu'à assouvir ses besoins les plus rudimentaires et basiques, mais aussi jouer au foot, à la playstation et ce, loin de tout ordre politique ou religieux qui domine le quartier si ce n'est le père de Manel qui s'impose comme chef de tribu qui veille sur sa fille pour laquelle vont se disputer deux jeunes hommes Zaki et Mounir. Si le butin devait être au départ 22 kilos de viande, là c'est à qui le vainqueur au match de foot qui prendra la délurée et sulfureuse jeune femme comme épouse. Se déclinant comme une chronique de vie ordinaire, le long métrage s'étale sur une semaine, compartimentée, de l'aube au soir. Tout se passe et se sait presque dans ce microcosme sociétal grâce à un mégaphone qui distille les infos de la cité et de la musique et vient comme amont pour appuyer le côté sarcastique du film. A une question posée à la réalisatrice, à savoir si elle n'avait pas peur de donner une image exclusive de l'Egypte en présentant de façon unilatérale la population, Nadine Khan a répondu qu'elle préfère débattre de son film et non d'une autre vision qui serait un tout autre film. Et elle a bien raison. Cette question venait d'une Egyptienne.. Drôle, bien que parfois cinglant et pathétique, ce film prend le parti pris de montrer une certaine frange de la population loin des schémas grandiloquents des feuilletons égyptiens, mais souligne si besoin est toute la détresse et misère des petites gens qui existent dans l'Egypte profonde. Un sujet éminemment politique bien que la réalisatrice s'est défendue d'aborder «la politique» dans son film préférant le côté «social».