Djaballah, seul candidat de cette mouvance, a toutes les chances de provoquer la surprise cette fois-ci. La plupart des observateurs s'étaient accordés à dire que le bras de fer opposant les deux ténors du camp nationaliste, Benflis et Bouteflika en l'occurrence, avait toutes les chances de servir un troisième candidat, islamiste comme de juste. La surprise, donc, peut advenir de la part d'un Djaballah qui, déjà, en 1999 se voyait dans la peau du prochain président de la République et qui, depuis, a fait pas mal de chemin. Que l'on en juge. En dépit de son retrait et de la «fraude» dénoncée par tous à cette époque, le président du tout nouveau mouvement Islah, sortant à peine d'une «guerre» qui venait de lui coûter son parti, le mouvement Nahda, avait quand même obtenu la bagatelle de 398.416 voix, ce qui représentait un suffrage de 3,95 %, le plaçant à la confortable troisième place, derrière Bouteflika et Taleb. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Le mouvement Islah, qui s'est maintenu à la même place lors des législatives et des locales de 2002, a nettement augmenté ses scores, alors que l'absence de Taleb à la présidentielle de 2004, le place carrément dans la position de cet outsider capable de piquer un fantastique sprint et de décrocher un poste au nez et à la barbe des deux favoris, trop occupés à s'épier l'un l'autre, pour remarquer quoi que ce soit d'autre. Plusieurs paramètres et arguments concourent à dire que Djaballah, qui a longtemps attendu son heure, ne se contentera pas d'une simple figuration cette fois-ci. La mouvance nationaliste, représentée globalement par le FLN et le RND, peut fort bien faire en partie défection à cause du conflit opposant Benflis à Bouteflika que bien peu de militants et de sympathisants comprennent véritablement. Ali-Fewzi Rebaïne, candidat de Ahd 54, peut également braconner allègrement sur les plates-bandes de ces deux candidats puisqu'il représente, lui aussi, la mouvance nationaliste, dans sa forme la plus pure, ce qui pourrait jeter dans ses bras pas mal de «déçus» aussi bien du FLN que du RND. La mouvance islamiste, qui garde une grande constance et qui fait toujours le plein, bon an mal an, n'a jamais été aussi dispersée que cette fois-ci. Le MSP, en train de subir une désespérante chute libre à cause de ses prises de position successives depuis avril 1999, ne pèserait pas bien lourd dans l'alliance présidentielle, concoctée en faveur du soutien à un second mandat de Bouteflika. Même l'ex-FIS, du moins ce qui reste de son électorat traditionnel, est dispersé, voire déchiré, pour la première fois de son histoire. La tendance la plus dure, représentée par l'AIS de Kébir et Mezrag, mais aussi Bouyali et Sahnouni, sont publiquement favorables à Bouteflika et à sa réconciliation nationale. Dehina, président de l'exécutif basé à l'étranger, prône le boycott sous le prétexte que les jeux seraient déjà faits, alors qu'Abassi Madani souhaite un report avec l'élection d'une assemblée constituante. Ali Benhadj, pour sa part, voulait tout simplement présenter sa propre candidature avec un programme pour le moins «original». Ces leaders, dans une tentative désespérée de rassembler les rangs, ont rendu public un communiqué, également signé par d'anciens responsables résidant en Algérie, ont tenté de se neutraliser les uns les autres en adressant une série de demandes aux six candidats, avec la ferme conviction qu'aucun d'entre eux n'y répondra dans les délais impartis, ce qui dispense l'ex-FIS de se prononcer officiellement et publiquement pour l'un ou l'autre d'entre eux. Le mouvement Wafa, qui se revendique, quant à lui, de la mouvance islamiste et nationaliste, jouit d'un spectre d'électorat allant du Fln jusqu'à l'ex-FIS en passant par le RND, le MSP et même les citoyens, jeunes et moins jeunes, qui n'ont jamais fait de politique avant cela. Son soutien à Benflis, comme ce dernier le reconnaît lui-même, est d'un apport certain. Il n'empêche qu'il est encore très difficile d'apprécier les contours de ce que sera l'électorat du candidat du FLN grâce à un Taleb qui obtenait en 1999, en dépit de la fraude et de son retrait, la bagatelle de près de 750.000 voix. Face à cette dispersion, ne servant aucun des autres candidats en lice, laissant la porte ouverte à toutes les probabilités possibles et imaginables, et que vient renforcer la neutralité effective et active de l'institution militaire, Djaballah a toutes les chances de provoquer la surprise. L'Algérie, qui peut fort bien s'acheminer vers un scénario à la turque dans le cadre de la démocratisation de la société, n'ignore pas que des dérapages ne sont pas à exclure dans le cas où Benflis ou Bouteflika prendraient le pouvoir. La seule solution, c'est que quelqu'un d'autre sorte triomphant des urnes...