Plus divisée que jamais, l'opposition syrienne a une nouvelle fois exprimé hier ses plus extrêmes réserves sur sa participation à une éventuelle conférence de paix à Genève aux côtés du régime de Damas. Etouffée entre les pressions contraires de ses soutiens occidentaux et des groupes rebelles qui combattent sur le terrain, la principale vitrine politique des adversaires du régime syrien a exigé d'entrée de jeu des «gestes» de Damas et de ses alliés russes avant toute décision de sa part. «Nous avons toujours dit que nous étions totalement favorables à Genève mais nous craignons que, si nous nous y rendons, le régime Assad ne soit pas sérieux quant à son application», a déclaré un porte-parole de la Coalition de l'opposition. «Tout le monde sait que le régime Assad va encore essayer de gagner du temps», lancé Khaled Saleh devant la presse, sitôt les discussions ouvertes. «Nous souhaitons aller à Genève mais tout le monde doit être sérieux, pas seulement le régime d'Assad mais aussi ses alliés russes, nous voulons que les Russes exercent une très forte pression» sur Damas, a-t-il poursuivi. Quelques jours avant de rallier la Turquie, le président de la Coalition, Ahmat Jarba, avait ainsi fixé comme préalable à toute participation qu'une conférence de Genève aboutisse à un départ du président Assad, un scénario catégoriquement exclu à Damas. Hier, son porte-parole a renouvelé cette exigence. «Il est devenu évident pour tout le monde qu'Assad ne peut exercer aucun rôle si Genève 2 est véritablement mis en oeuvre, que ce soit dans une période transitoire ou après», a insisté Khaled Saleh. Programmé jusqu'à «au moins» ce soir, le débat entre les différentes factions de l'opposition s'annonçait aussi délicat que houleux. Comme l'a souligné mardi l'émissaire spécial de l'ONU Lakhdar Brahimi, «l'opposition (syrienne) est divisée et n'est pas prête» à s'asseoir à la même table que des représentants du régime syrien. La principale composante de la Coalition, le Conseil national syrien (CNS), présent à Istanbul, a déjà écarté l'idée d'un voyage en Suisse et même menacé de claquer la porte de la Coalition si certains de ses membres s'y rendaient. Et une vingtaine de groupes rebelles ont menacé de juger pour «trahison» ceux qui seraient tentés de négocier, laissant même clairement entendre qu'ils seraient purement et simplement exécutés. De l'autre côté, les onze pays occidentaux et du Golfe «amis» des adversaires du régime de Damas les poussent à venir discuter à Genève, seule solution à leurs yeux pour trouver une issue politique au conflit. Réunis fin octobre à Londres, ils ont répété que l'actuel chef de l'Etat syrien ne devait jouer «aucun rôle dans le futur gouvernement» du pays. Si elle est loin de les avoir tous rassurés, cette pression a d'ores et déjà convaincu certains membres de l'opposition de franchir le Rubicon. Un ancien vice-Premier ministre syrien, Qadri Jamil, récemment démis de ses fonctions, a fait savoir qu'il se rendrait à Genève. Les Kurdes de Syrie aussi. Et, à en croire le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, d'autres opposants seraient décidés à franchir le pas. Dans ces conditions, l'issue des discussions d'Istanbul paraissait très incertaine. «Le contexte est très difficile pour l'opposition», a concédé un diplomate occidental. «L'armée arabe syrienne remporte des succès, la situation des populations des villes assiégées est très précaire et des groupes rebelles importants ont rejeté son autorité», a-t-il ajouté, «la tentation de la surenchère anti-Genève existe». Russes et Américains n'étant pas parvenus à fixer un date pour une conférence, certains observateurs ont parié que l'opposition renverrait sa décision à plus tard. M.Saleh a, lui, ironisé sur le fait que la Coalition n'avait «pas reçu d'invitation de la part de l'ONU».