Spécialisée dans la connaissance et l'actualité du théâtre professionnel, cette revue française a consacré un numéro spécial Algérie... Dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, la revue française UBU a consacré le mois de juin de l'année dernière un numéro spécial exclusivement dédié au théâtre algérien, sa genèse, son passé, son évolution et ses perspectives. Spécialisée dans la connaissance et l'actualité du théâtre professionnel, la revue UBU a voulu à cette occasion contribuer à la fois à une meilleure connaissance internationale du théâtre algérien et à en faciliter l'essor. Editée cette fois-ci dans les trois langues, à savoir le français, l'arabe et l'anglais, la revue propose une série de portraits des principaux acteurs qui ont fait et continuent à construire tant bien que mal notre 4e art. De passionnants articles agrémentés de quelques photos en noir et blanc constituent cette belle revue. Celle-ci propose de développer certains points qu'elle n'a pas pu aborder lors d'un colloque qu'elle organisa le 27 janvier 2003 au Théâtre national de la Colline (France) autour de «la création théâtrale contemporaine en Algérie». «Nous avons tenté d'inscrire notre réflexion dans une perspective temporelle, de faire un travail de mémoire pour mieux comprendre le présent et essayer d'imaginer l'avenir», lit-on dans l'éditorial au titre significatif : Un rêve se réalise. Ce numéro n'a pas été facile à réaliser, nous prévient-on, tant il a fallu réunir tous les sujets susceptibles de faire un tour d'horizon complet de l'état des lieux du théâtre en Algérie. Pas une mince affaire, quand on sait que celui-ci a traversé ces dix dernières années une grave crise qui a laissé des séquelles aussi bien sur le plan administratif que celui de la formation... «Cela ne voulait rien dire jouer, faire du théâtre devant un public français pour une comédienne comme moi, et des comédiennes comme moi en France, il doit y en avoir à chaque coin de rue, alors qu'ici le terrain était complètement vide», avoue la comédienne et directrice de l'Inad, Sonia Mekkiou dans une interview réalisée par Chantal Boiron. C'est pourquoi, cette revue a le mérite d'exister, car elle lève le rideau sur les problèmes mais aussi les «espoirs» de renouveau de notre théâtre. Les moments de réflexion sont alternés par des témoignages d'artistes et d'écrivains comme Rachid Koraïchi qui a signé la scénographie de «présence de Kateb Yacine» présentée à la comédie française, Arezki Mellal auteur notamment de Maintenant ils peuvent venir, Fellag et Azizi Chouaki, musicien, poète, romancier et dramaturge ayant quitté l'Algérie en 1991 et auteur notamment de l'Etoile d'Alger ainsi que Ziani Chérif Ayad, ancien directeur du TNA. Outre des interviewes, des analyses pertinentes sur le théâtre algérien sont livrées par ailleurs par une pléiade de spécialistes et journalistes. On peut citer un article sur la «voix» de Abdelkader Alloula, signé Gilles Costaz, un dossier sur l'identité en crise, scindé en plusieurs parties : l'Islam et la tragédie par H'mida Ayachi, un portrait sur Slimane Benaïssa «le premier homme du théâtre algérien qui osa parler la langue de tous les jours, l'arabe dialectal, dans ses spectacles et s'attira ainsi le succès incontestable du public...» Et Benaïssa de confier : «Le problème culturel en Algérie est inséparable du problème de la stabilité sociale.» Autre portrait qui est brossé celui du grand Sid Ahmed Agoumi alias Lakhdar dans la pièce Nedjma de Ziani Chérif Ayad. Cette adaptation, rappelons-le, n'a pas encore été jouée en Algérie jusqu'à ce jour. Elle a dû être reportée au mois de mai dernier en raison du tremblement de terre qui a endeuillé le pays. Zalia Sekaï, essayiste et auteur dramatique dissèque les différentes étapes par lesquelles est passé le théâtre algérien qui, dit-elle «est un théâtre moins théâtral, car il n'y a pas de culture théâtrale algérienne. Il ignore les frontières entre les genres. C'est souvent le texte qui prime sur le spectacle, c'est le texte qui circule. Mais cet esprit est souvent catalogué de non-professionnel». Dans le volet de Les incertitudes et les promesses de l'avenir, H'mida Ayachi dans sa critique intitulée Le rouge et le noir parle de la «maladie» du théâtre algérien dont la genèse remonte à octobre 1988. «Cette nouvelle génération a vite compris qu'il fallait se prendre en charge par elle-même devant la mort du théâtre étatique qui s'est tu devant le bruit des armes». Se pose alors le problème de l'absence de vraies critiques ainsi que celui de la langue. «L'utilisation linguistique s'est faite sans complexe ou arrière-fond militant ou idéologique et c'est l'un des points essentiels qui sépare cette génération de sa précédente». En effet, la nouvelle génération s'appuie dans ses créations sur la diversité, à savoir l'arabe classique, le tamazigh et le français. Optant pour le pessimisme positif, Ayachi se pose tout de même la question : «Le théâtre se réveillera-t-il d'un sommeil qui n'a que trop duré ?» Si Ziani Chérif Ayad parle de professionnaliser le théâtre, en attendant, ce sont les amateurs qui volent à «sa rescousse», écrit le journaliste Karim Marrefi. Enfin, la revue IBU se clot par un magnifique portrait signé Nafaâ El Joundi de Hajar Bali, «mathématicienne dans la peau, passionnée de littérature et d'histoire, musicienne formée au conservatoire d'Alger et metteur en scène», auteur en outre de la pièce Homosapiens dont quelques extraits nous sont livrés, plus quelques notes de lecture de publication ayant trait au théâtre algérien en dernière page.