La popularité de Bouteflika lui a ravi des voix même dans ses fiefs les plus notoires. Au moment où Bouteflika est réélu avec 83,49 % des voix, l'islamiste Abdallah Djaballah ne récolte lui que 4, 84 % des voix et bascule ainsi du giron de la majorité à celui de la partie congrue de la représentativité républicaine. Si d'aucuns évoquent le vote refuge pour qualifier le résultat de ce scrutin, il est cependant évident que les Algériens, en sanctionnant de la sorte le plus représentatif de la mouvance fondamentaliste existant dans le quorum de la classe politique nationale, ne veulent pas moins se démarquer, voire prendre définitivement leurs distance vis-à-vis de ce qui s'apparente à l'islamisme pour gérer les affaires de leur cité. D'autant qu'un tel choix ne peut que traduire également un désir farouche d'en finir, une fois pour toutes, avec tout ce qui a connotation ou lien avec des concepts ayant finalement laissé d'une façon ou d'une autre des séquelles traumatisantes à toute une nation ; entendre par là : FIS, djihad... car que veut le peuple, sinon une paix morale, une stabilité sociale. En somme vivre, avoir un logement, un emploi. Ainsi, les Algériens, qui sortent d'une terrible tragédie qui a mis à feu et à sang le pays durant une décennie entière, viennent, en s'exprimant par la voix des urnes, d'exorciser le spectre du fondamentalisme charrié, directement ou indirectement par le parti El Islah, pourtant un parti fort d'une base électorale confortable aux dernières législatives et qui l'ont propulsé au rang de deuxième force politique après le FLN. Finalement et tenant compte du vivier électoral potentiel de ce dernier dont la base du parti dissous, celle de Wafa d'Ahmed Taleb El Ibrahimi et peut-être même celle du Hamas, nous ne pouvons aujourd'hui que constater la déroute d'El Islah, lequel, en tant que parti islamiste aurait largement pu prétendre à l'apport fort précieux de ses frères de combat, conformément au protocole de la «sahwa islamiya» qui veut que tout candidat postulant à la magistrature suprême soit soutenu par tous ceux qui lui sont proches en idées. Or il n'en est rien au lendemain du vote de 8 avril mémorable, et où les Algériens semblent sanctionner, à travers El Islah, tout un mouvement culturel à la tendance bien tranchée et à terme l'islamisme radical qui a de moins en moins prise sur les esprits et dont le discours, décalé, ne semble plus coller aux aspirations actuelles. En définitive et contrairement au vote de 1991 qui a vu le pays sombrer dans les abysses de l'inconnu, le suffrage de 2004 marque l'option pour la continuité et l'espoir en des lendemains meilleurs.