Le «Comité des 50» examinait hier les prérogatives dévolues à l'armée par la nouvelle Constitution La fin des procès de civils devant des tribunaux militaires était au coeur des revendications de la révolte de 2011 qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak. Le «Comité des 50» devait se prononcer hier sur les articles liés aux pouvoirs controversés de l'armée dans la Constitution révisée dont l'adoption ouvrira la voix à une transition démocratique promise par les militaires après la destitution du président Mohamed Morsi. Au lendemain de l'adoption à une très large majorité des 138 premiers articles de la Constitution (sur 247), les membres de ce comité chargé de la révision de la Loi fondamentale devraient, sauf surprise, voter en faveur d'articles maintenant les privilèges de l'armée qui a installé les autorités intérimaires après avoir arrêté et renversé le 3 juillet le président islamiste. Trois articles en particulier font débat mais le plus polémique est l'article 204 qui autorise les militaires à juger des civils «en cas d'attaque directe contre les forces armées, leurs équipements et leur personnel». La fin des procès de civils devant des tribunaux militaires était au coeur des revendications de la révolte de 2011 qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak. Les défenseurs des droits de l'Homme dénoncent le maintien de cette mesure issue des Constitutions précédentes, redoutant que «l'attaque directe» mentionnée dans l'article ne soit interprétée par les juges au sens le plus large, ouvrant la voie à de nombreuses poursuites. Mais pour Mahmoud Badr, représentant du mouvement Tamarrod, à l'origine des manifestations monstres fin juin contre M. Morsi et acquis aux nouvelles autorités, «la formulation actuelle limite les procès militaires de civils». Depuis le 3 juillet, trois journalistes ont écopé de peines de prison devant de tels tribunaux, tandis qu'une soixantaine de membres des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi cible d'une répression implacable, ont été condamnés à de lourdes peines, dont un à la réclusion à perpétuité, par des juges militaires. L'armée se réserve en outre d'autres prérogatives de choix, protégées par la future Constitution; son budget est toujours à l'abri de tout droit de regard civil, le seul habilité à en discuter étant le Conseil national de la Défense, qui comprend 14 mem- bres, dont huit militaires, le ministre de l'Intérieur et des responsables gouvernementaux. Quant au ministre de la Défense, durant les deux mandats présidentiels à venir -soit huit ans- il ne pourra être nommé qu'en accord avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA), selon le texte qui devait être voté hier. L'actuel ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et vice-Premier ministre, est le véritable homme fort du pays où la répression des partisans des Frères musulmans, qui avaient remporté les législatives fin 2011, a fait depuis la mi-août plus d'un millier de morts. L'adoption de ces articles fait redouter une éventuelle mobilisation des militants, après que des dizaines d'entre eux ont déjà été arrêtés mardi pour avoir manifesté contre l'article 204, en application d'une nouvelle loi interdisant tout rassemblement non autorisé par le ministère de l'Intérieur. Deux figures de proue des mouvements laïcs de la jeunesse ont fait les frais de cette loi: Alaa Abdel Fattah a été arrêté, accusé d'avoir organisé ce rassemblement contre les procès militaires de civils, et Ahmed Maher, fondateur du mouvement 6-Avril à la pointe de la révolte anti-Moubarak. Ahmed Maher a été toutefois libéré hier, alors que la justice a prolongé de 15 jours la détention de Alaa Abdel Fattah, accusé d'avoir organisé une «manifestation illégale», «provoqué une émeute», «frappé un officier de police et volé son émetteur radio».