Les trois tendances du mouvement attendent des gestes concrets du pouvoir. L'appel au dialogue, réitéré hier par le président Bouteflika, à partir du Palais des nations, n'a pas laissé indifférent le mouvement citoyen. Belaïd Abrika, le leader du mouvement, a mis en exergue la symbolique de ce geste : «Il y a lieu de préciser qu'il est important que le président ait abordé cette crise à l'occasion de son premier discours». Cela prouve, selon notre interlocuteur contacté hier par téléphone, que le problème est réel et qu'une solution équitable et urgente s'impose afin de dénouer une crise qui n'a que trop duré, d'autant plus que Bouteflika a bien précisé qu'«il n'y a pas de problème sans solution». Coïncidant avec le troisième anniversaire du «printemps noir», Abrika regrette que le discours du président n'ait fait aucune allusion au jugement des assassins du jeune Guermah et des centaines de martyrs victimes de «la violence du pouvoir». En faisant allusion aux forces qui freinent le processus du dialogue, qualifiées «d'extrémistes de tout bord», le président «se trompe de cible», fait-il remarquer, puisque le mouvement a «toujours mené un combat pacifique». Et d'ajouter: «Il n'y a pas d'extrémistes en Kabylie. Bien au contraire, nous n'arrêtons pas de subir les affres du pouvoir depuis trois ans.» Concernant le devenir du dialogue entre le pouvoir et le mouvement des archs, Belaïd Abrika atteste que la balle est dans le camp du gouvernement. «Nous avons été les premiers à avoir pris l'engagement du dialogue, et la continuité souhaitée doit passer inéluctablement par la satisfaction de la principale revendication relative à l'officialisation de la langue amazighe.» En d'autres termes, aucune évolution n'est enregistrée sur la position de l'interwilayas, laquelle refuse, rappelons-le, de soumettre cette question au référendum. Néanmoins, Abrika estime qu' il est encore trop tôt pour prendre position par rapport au discours du président. «Nous préférons attendre les engagements concrets du pouvoir».Hakim Kacimi, l'un des fondateurs de la Coordination nationale du mouvement citoyen des archs (Cnmca), pense que «le président vient appuyer, à travers son discours, le processus du dialogue». La Cnmca, qui a affiché clairement son intention de «se substituer à l'interwilayas, après les manipulations enregistrées au sein du mouvement citoyen ayant conduit fatalement l'interwilayas à une faillite sur les plans organisationnel et fonctionnel», attend «des mesures urgentes» au profit de cette région «délaissée». Il est aussi urgent, souligne, notre interlocuteur, que le président fasse un geste «dans le sens de l'apaisement» et estime, contrairement à Abrika, que le dénouement de la crise doit passer par «un accord global». «L'erreur de l'interwilayas est de vouloir focaliser sur l'officialisation de tamazight. Une vision qui ne fera que perdurer le bouillonnement dans la région», a-t-il insisté. En dépit de cette divergence, ladite coordination insiste sur la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur. Cependant, notre interlocuteur s'est déclaré optimiste : «Il faut reconnaître que le président a abordé dans son discours les grands axes des aspirations des Algériens», note-t-on de mêmes sources. Il convient de rappeler qu'une délégation dirigée par Ahmed Kacimi avait obtenu, le 22 mars dernier, un engagement du chef du gouvernement de signer un accord-cadre pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Une tentative qui est restée sans lendemain après le refus des délégués du mouvement de cautionner cette démarche. Cette même coordination s'est prononcée contre le boycott de l'élection présidentielle. Une démarche interprétée comme un soutien au président Bouteflika L'aile anti-dialoguiste du mouvement citoyen campe sur sa position. Joint par nos soins, Zohir Benkhelat a déclaré que «le pouvoir en place ne trouve rien d'autre que d'organiser une énième mascarade électorale». Bouteflika, selon notre interlocuteur, «veut encore une fois tromper l'opinion nationale et internationale». Le meilleur geste que pourra faire le pouvoir «comme gage de bonne volonté», est de satisfaire pleinement la plate-forme d'El-Kseur, conclut Zohir Benkhelat.