C'est peu de dire que la situation est plutôt mauvaise à Ghaza alors que les incidents se propagent en Cisjordanie. La contestation fait tache d'huile et semble s'étendre à la Cisjordanie jusqu'ici épargnée par la crise qui a instauré le chaos à Ghaza. En fait, ce n'est pas faire le jeu d'Israël que de dire que l'Autorité autonome palestinienne s'est piégée dans de faux problèmes d'une part, a laissé se développer une corruption sans frein, d'autre part, qui a discrédité le semblant de pouvoir palestinien sur Ghaza si l'on excipe du fait que la Cisjordanie est réoccupée en totalité par l'armée israélienne. Ainsi, malgré les propos lénifiants de responsables palestiniens, qui ne servent pas la cause de la Palestine, la situation est sérieuse et est devenue incontrôlable. De fait, le président Arafat, -prisonnier de fait d'Israël dans son réduit de la Mouqataâ à Ramallah-, et par trop loin de l'action, constitue de plus en plus un blocage, alors qu'il était attendu le plus de ce héros palestinien qui a porté à bout de bras la révolution palestinienne. Le fait est que M.Arafat n'a pas su tirer son épingle du jeu alors qu'il était au summum de sa gloire en laissant à la nouvelle génération palestinienne de conclure le combat de toute une vie: l'érection d'un Etat palestinien libre et indépendant. Tant il est vrai que l'édification de l'Etat palestinien est, et reste, une affaire du peuple palestinien dans son ensemble. Or, l'Autorité palestinienne a administré ces dernières années l'exemple type de mauvaise gouvernance alors que le népotisme et la corruption prenaient une ampleur alarmante sans que les autorités aient le courage ou la volonté de corriger ces dérives qui jouent en définitive contre l'aspiration ancienne du peuple palestinien à l'indépendance. C'est quelque peu à contre-temps que la direction palestinienne, au moment où la situation continue à se détériorer à Ghaza, a annoncé des mesures contre ceux qui «se sont approprié des biens» insistant sur le «respect du droit» dans un communiqué à l'issue d'une réunion présidée par Yasser Arafat à Ramallah. Dans ce communiqué, la direction palestinienne a affirmé également sa «détermination à faire face aux tentatives de susciter des clivages et une scission dans les rangs palestiniens dans le but de retirer à l'Autorité élue le droit d'assumer ses responsabilités». Sans doute, mais il semble bien qu'il ne fallait pas laisser la situation arriver au pourrissement actuel et agir en temps réel pour corriger les dérives constatées qui ne datent certainement pas d'hier. D'ailleurs le fait même que le Premier ministre, Ahmed Qorei, demeure sur sa décision de démissionner, malgré le rejet du président Arafat, induit une impasse dans la gestion de l'Autorité, cela d'autant plus que les députés palestiniens sont, à leur tour, montés au créneau critiquant sévèrement l'attentisme, sinon l'inaptitude, du cabinet Qorei à mener à bien la mission de gouvernance des territoires palestiniens. En fait, de plus en plus de responsables palestiniens pointent du doigt le président Arafat, lequel, selon eux, constitue aujourd'hui le frein aux réformes car, selon eux, il «gère seul» l'autorité autonome. Ainsi, Soufiane Abou Zeid, membre du comité de direction du Fatah (mouvement du président Yasser Arafat) n'hésite pas à affirmer: «Le problème ne réside pas dans tel ou tel gouvernement, ni dans la qualité du titulaire d'un ministère. La question est de revoir le mécanisme de prise de décision», soulignant par ailleurs : «Tout relève de Yasser Arafat et les lois sont enterrées ou gelées selon son bon vouloir. Une solution de la crise qui ne prendrait pas en compte cette anomalie est vouée à l'échec», le même d'ajouter: «Nous ne voulons pas le départ de Yasser Arafat ou lui retirer ses prérogatives, mais il doit laisser le Conseil législatif (CLP, Parlement) exercer pleinement ses pouvoirs». Le constat est accablant pour M.Arafat. Car, dit autrement, la crise palestinienne actuelle est avant tout une crise de pouvoir, le président Arafat ayant accaparé tous les leviers de commande bloquant de fait tous les mécanismes de décision du cabinet et du Parlement palestiniens, d'où l'immobilisme qui ne travaille guère pour l'intérêt de la cause palestinienne. Ainsi, placé au pied du mur, Abou Ammar se trouve face à des choix certes difficiles, mais qu'il devra, -d'une manière ou d'une autre-, faire pour préserver la liberté d'action des Palestiniens dans la recherche d'une solution au conflit qui les oppose à Israël.