La délégation a rapporté que les prisonniers se sont plaints de mauvais traitements. Du lointain camp militaire de Guantanamo, un écho parvient. Il force la camisole et ouvre une minuscule lucarne sur la situation des Algériens détenus à la base militaire américaine. Une délégation bosniaque leur a rendu visite, le 2 août dernier, au même titre que les citoyens de la Bosnie Herzégovine prisonniers dans le même camp. Elle a rapporté des bribes de récits à la tonalité angoissante. «Ils sont vivants et c'est la chose la plus importante», a déclaré sur Bhtv 1, une télévision publique bosniaque, le chef de la délégation, Amer Tilav, au terme de cette visite. Selon M.Tilav, la délégation n'a vu que quatre des six détenus algériens livrés par son pays aux Etats-Unis. La délégation a également rapporté que les prisonniers se sont plaints «des mauvaises conditions de détention, d'un manque de soins médicaux». Les propos de certains prisonniers laissent entendre que des cas de torture ont eu lieu. «Ils nous traitent mal au sein du camp». Beaucoup de détenus libérés de ce camp témoignent avoir subi des brutalités. Rapatriés le 9 mars dernier au Royaume-Uni, trois Anglais ont confié au journal The Observer qu'ils ont subi ou observé des brutalités à Guantanamo. L'Espagnol Hamed Abderrahman affirme avoir été enchaîné, la tête recouverte d'un sac pendant des heures, et avoir été frappé dès qu'il bougeait pendant son transfert en février 2002 d'Afghanistan vers Guantanamo. Mohammed Khan, l'un des 57 Afghans libérés, se plaignait en mars dernier, à son arrivée à Kaboul, d'avoir subi des sévices. Le 12 juillet dernier, les avocats de deux détenus algériens ont déposé une plainte pour détention abusive devant un tribunal de Washington. Le nombre de détenus ayant déposé plainte devant un tribunal US pour détention abusive s'élève désormais à 50, après que les avocats de 15 détenus yéménites eurent déposé plainte devant un tribunal de district de Washington le jeudi 15 juillet. Huit Algériens sont emprisonnés dans la base américaine. Parmi eux six sont de nationalité bosniaque en plus de l'identité algérienne. Les deux autres sont des Français d'origine algérienne. Soupçonnés d'appartenir au réseau d'Al Qaîda, la Cour suprême croato-bosniaque a fini par disculper les six Algéro-Bosniaques faute de preuve. Remis en liberté en 2002, les services secrets américains les ont arrêtés à Sarajevo quelques jours plus tard. «On ne peut rien faire pour cette catégorie de personnes» a affirmé dernièrement le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem. Appartenant à différentes nationalités - ils sont des Européens, des Arabes et des Africains - ces islamistes ont fait le choix d'aller soutenir les forces liberticides en Afghanistan et ont servi une bien mauvaise cause. Mais à présent, le propos est à la diplomatie. Après de laborieuses négociations entre Paris et Washington, la France a obtenu la libération de quatre des sept Français détenus à Guantanamo. Jusqu'à présent, selon le décompte établi par le Pentagone, 135 de ces prisonniers ont été libérés. Ils étaient «approximativement» 595 à être toujours détenus dans le camp ouvert en janvier 2002 pour les «Afghans» capturés au moment de l'offensive américaine en Afghanistan, fin 2001. La diplomatie algérienne semble totalement ignorer ce dossier. «A l'exception de quelques informations officieuses et autres écrits de presse, on ne connaît rien sur le nombre de ces détenus. L'information est livrée au compte-gouttes. On ne sait rien encore sur les conditions dans lesquelles ils se trouvent» reconnaît encore M.Belkhadem.