Aucun responsable n'y était pour prendre acte de leurs doléances. Répondant à l'appel de l'association SOS Disparus, des dizaines de familles de disparus se sont rassemblées, dans la matinée d'hier, devant le siège de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'homme (Cncppdh) que dirige M.Ksentini. Y ont été conviés des militants de l'Association nationale des familles de disparus (Anfd), histoire de «prouver qu'on n'a aucun différend avec cette association et son absence au rendez-vous d'hier (le point de presse d'avant-hier) n'était motivé par aucune divergence», insiste Hacène Ferhati, l'un des animateurs du collectif SOS. Autre fait frappant: le portrait du frère de M.Djamel Merouane a été brandi au milieu de ceux du reste des disparus. Le geste se voulant, nous déclare Ferhati, «un discrédit vis-à-vis de Merouane qui veut marchander le sang de son frère, mais également notre honneur, contre un milliard de centimes». Sous un soleil de plomb, les protestataires se sont immobilisés devant le siège de la Cncppdh toute la matinée. Aucun responsable n'y était pour prendre acte de leurs doléances. Ce rôle a été dévolu...aux rares journalistes présents sur les lieux. Malgré le silence des autorités, l'indifférence de la quasi-totalité des formations politiques et la démobilisation progressive de la société civile, SOS Disparus ne jure que par l'intensification des sorties publiques jusqu'à ce que «notre combat aboutisse». Comment? Une quadrature du cercle. Les contestataires exigent le «relâchement» des leurs «sains et saufs», l'Etat n'affiche pas des dispositions, du moins à travers ses réactions, à même de satisfaire une telle condition; Ksentini a déjà annoncé la couleur en déclarant que l'Etat ainsi que la Cncppdh ne bénéficient point de l'appui nécessaire des associations représentatives des familles des disparus afin de clore positivement le dossier dans les meilleurs délais. Les deux parties elles-mêmes savent pertinemment qu'un consensus est quasiment utopique à présent que l'une tire à hue et l'autre à dia. L'étude minutieuse de tous les cas des disparus, l'ouverture synchronique de l'ensemble des charniers, l'identification des ossements ainsi que l'installation des commissions d'enquête ne peuvent nullement aider à exorciser les vieux démons comme voulu par le gouvernement à la faveur de la démarche réconciliatrice, initiée par le chef de l'Etat. Une réconciliation à laquelle les associations des victimes du terrorisme, SOS Disparus comprise, opposent une résistance indomptée. Pour elles, tout terroriste candidat à la grâce amnistiante doit impérativement être traduit devant les tribunaux afin qu'il statue sur son cas. Plus grave encore, certaines des victimes de la décennie rouge estiment que l'Etat «a réhabilité des éléments armés dans leurs droits au détriment des nôtres». Elles affirment que «des terroristes notoires, trempés de sang des pieds jusqu'au cou» ont pu redevenir des citoyens normaux sans être «inquiétés le moins du monde». Force est de reconnaître que le contexte dramatique vécu par tout un pays, et qui a laissé dans son sillage des milliers de victimes ne peut être cicatrisé en un laps de temps assez réduit.