Les personnes «à exclure» s'y étaient établies, pour la plupart d'entre elles, depuis des années. Sur instruction du ministre de l'Enseignement supérieur, les directeurs des cités universitaires s'apprêtent à effectuer un profond assainissement qui ciblera les indus occupants, les étudiants recalés et les travailleurs ayant bénéficié de logements sociaux. Du point de vue juridique, ces trois catégories de résidents ne devaient en aucun cas encombrer les résidences suffisamment asphyxiées par une pléthore de bacheliers qui grossit au fil des années. Du point de vue pratique, la situation devient néanmoins hypercompliquée. Les personnes «à exclure» s'y étaient établies, pour la plupart d'entre elles, depuis des années tant et si bien qu'il paraît impossible qu'elles se résignent à évacuer les lieux sans demander des comptes (le relogement). Une dégénérescence serait alors inévitable. Pour les indus occupants, leur intrusion ne saurait être sans complicité. L'incrimination toucherait les administrations qui leur ont permis de s'y installer sans qu'ils soient inquiétés. Le ministre lui-même a cité l'exemple d'une cité dont il s'est gardé de préciser l'espace géographique où on lui a indiqué l'existence d'un salon de coiffure et un bureau d'architecture appartenant à des extra-universitaires ne disposant pas d'autorisation de la tutelle. Une grave affaire - qui n'est pas un cas isolé - qui éclaircit sur les tours de passe- passe qui ont transformé les résidences universitaires en capharnaüms et excentricités les plus impensables. Et s'atteler à y ôter les racines du mal impliquerait l'identification des responsables véreux qui ont, par leur complaisance obéissant à des considérations malsaines, fertilisé le terrain aux indus occupants. Ces derniers sont vraiment moins coupables sur l'échelle accusatrice que ceux qui ont toléré leur installation illégale. Dans les cités de filles, les clignotants sont au rouge. «Nous ne pouvons continuer à accepter que nos cités se métamorphosent en garçonnières», s'est indigné Harraoubia. La même brèche se constate : la prostitution pourrait-elle gangréner les résidences des étudiantes si le contrôle était rigoureux? La plaie est plus purulente que ce qu'a suggéré le ministre. Le dossier des étudiants n'est pas moins sulfureux. Véritablement, les étudiants cumulant les échecs ne sont nullement assurés d'être hébergés jusqu'à l'obtention du diplôme. Ce sont les étudiants affiliés aux organisations estudiantines qui se créent une sorte «d'immunité syndicale» afin d'occuper la chambre universitaire autant qu'il leur plaira. L'absence de transparence mais surtout de rigueur dans la gestion des oeuvres sociales a considérablement facilité la prolifération de ce type de magouilles. Ces étudiants d'un statut à part, profitent du chantage qu'exercent les mouvements auxquels ils ont adhéré pour défendre leurs choix extrêmes et d'une illégalité déconcertante. L'opération d'assainissement s'avérerait plus complexe sachant que ces organisations se drapent dans un syndicalisme estudiantin afin de servir de satellite à des partis politiques. Arrivant au cas des travailleurs habitant les cités en famille, la situation devient plus corsée. Malgré l'octroi éventuel de logements sociaux à un certain nombre d'entre eux, une bonne partie persiste à galérer dans les enceintes universitaires, faute d'abri ailleurs. Leur recasement en dehors de ces structures ne pourra intervenir immédiatement. En conséquence, les exclusions annoncées par le ministre inciteraient, en l'absence d'un consensus entre les deux parties, à des débordements d'envergure. La mise à exécution de l'instruction de Harraoubia risquerait d'engendrer des conséquences plus difficiles à gérer que le problème lui même.