Le président sortant, dont le bilan parle pour lui, n'a aucun concurrent sérieux en face de lui. Zine El-Abidine Ben Ali, parti pour un nouveau quinquennat aux élections de dimanche en Tunisie, est le candidat du puissant Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) qui règne en maître, face à une opposition laminée et sans illusions. Les Tunisiens voteront pour deux scrutins, présidentiel et législatif. M.Ben Ali, 68 ans, est le deuxième président de la Tunisie indépendante qu'il dirige avec poigne depuis 17 ans, après le départ du «père de l'indépendance», Habib Bourguiba. Sa réélection à un score aussi large que lors des consultations précédentes (99,44% en 1999), ne fait aucun doute face à trois candidats d'opposition aux chances quasiment nulles, selon leurs propres pronostics. M.Ben Ali s'appuie sur un parti héritier du néo-Destour fondé en 1934 par Bourguiba, fort de sa légimité historique et accaparant la vie politique et sociale au point de se confondre avec l'Etat. Il contrôle l'administration et détient tous les pouvoirs. Fort de plus d'un million d'adhérents et d'une puissante implantation dans tout le pays, le RCD a actionné depuis l'été sa formidable logistique de mobilisation à la gloire de Ben Ali, «artisan du changement» et «garant de l'avenir». Il faut dire, au bénéfice du RCD, que des douars les plus reculés jusqu'aux entreprises, le RCD s'impose en parti providence, secourant la veuve et l'orphelin. Il procure des soins, place les femmes à l'honneur et se prévaut de démocratie. Signe de changement et de très grande avancée et maturité politique, le RCD ne présente cette fois-ci aucun membre du gouvernement au scrutin législatif de dimanche, une première. Quoique très en avance sur le restant de la composante de la classe politique grâce à tout ce qui a été fait pour le pays depuis le néo-Dostour, le RCD est pour le moment crédité d'environ 80 % des 189 sièges à pourvoir. Au crédit du régime Ben Ali, comme le reconnaissent même ses plus virulents détracteurs, le RCD tient un discours bien rôdé sur la stabilité politique et la sécurité régnant en Tunisie, le rejet de l'islamisme, le multipartisme, la croissance économique et un filet social très large. La Tunisie, ne l'oublions pas, est le seul pays du Maghreb à avoir adroitement échappé aux griffes de la violence intégriste islamiste. Ce pays, qui ne dispose pas de ressources naturelles dont jouissent ses voisins, n'en a pas moins réussi à atteindre un taux de croissance supérieur à ses voisins, atteignant des performances économiques le plaçant carrément au niveau de ses vis-à-vis européens. Ben Ali, qui gère le pays depuis 17 années et qui en connaît chaque coin et recoin, compte également sur l'appui des grandes organisations nationales, la presse est toute à sa dévotion et deux des cinq partis d'opposition légaux voteront pour lui. Dans le camp de l'opposition communément dite de «soutien», deux formations présentent leurs chefs à la présidentielle mais visent plutôt une meilleure assise au Parlement: Mohamed Bouchiha, du Parti de l'unité populaire et Mounir El Béji, chef du minuscule Parti social libéral (voir nos encadrés). Dans l'opposition dite «démocratique», et qui n'est pas sans rappeler les premiers pas du mouvement «démocrate-républicain» algérien, une tentative d'alliance pour un candidat unique à la présidence a capoté: Mohamed Ali Halouani d'Ettajdid s'est jeté dans l'arène en vrai challenger du régime, appuyé par quelques indépendants. L'opposition radicale, dirigée par Moncef Marzouki, réfugié à l'étranger, ne jouit d'aucun ancrage au sein de la société. Cela est tellement vrai qu'en désespoir de cause, cet opposant anonyme est passé dans le camp islamiste. Il entretiendrait des contacts étroits aussi bien avec les terroristes algériens et marocains réfugiés en Europe, qu'avec des activistes d'Al Qaîda parfaitement connus et fichés par les services spéciaux occidentaux. Ce jeudi, un petit coup de théâtre est venu mettre un peu d'animation dans une campagne qui semblait depuis peu ronronner. En effet, le secrétaire genéral du Parti démocratique progressiste (PDP, légal) Ahmed Néjib Chebbi a annoncé ce jeudi le retrait de sa formation des élections générales de dimanche en Tunisie, pour protester contre une accumulation de violations et pressions durant la campagne électorale. M.Chebbi ne peut pas se présenter à la présidentielle, mais son parti, une formation légale sans siège au parlement, est en lice pour les législatives dans 16 des 26 circonscriptions du pays. En conclusion, si ce double scrutin ne semble pas présenter de véritables enjeux sur le plan des résultats, il n'en constitue pas moins une étape très importante sur la voie de la démocratisation de la Tunisie. Un pays moderne, dont les avancées sur tous les plans, ne peut que forcer l'admiration...