La secrétaire général de l'ONU a montré beaucoup de pessimisme quant à une solution rapide du conflit sahraoui. Kofi Annan n'y est pas allé par trente-six chemins en laissant entendre d'emblée, dans un rapport au Conseil de sécurité sur le Sahara occidental, que la solution de ce conflit lui semble plus que jamais éloignée. M.Annan a ainsi déclaré: «Lorsque j'ai présenté mon précédent rapport en avril 2004, il n'y avait pas d'accord entre les parties sur le plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental» (...) «Un tel accord apparaît plus lointain aujourd'hui. Il n'existe pas non plus d'accord quant aux mesures qui pourraient être prises pour surmonter l'impasse actuelle.» Le mot est lancé, il y a donc, selon le secrétaire général de l'ONU, «une impasse» dans la prise en charge du dossier sahraoui, lequel évoque également la possible réduction de la force d'observation onusienne du cessez-le-feu au Sahara occidental. Sans que l'on puisse assimiler cette déclaration à un désengagement de l'ONU de l'affaire sahraouie, il est loisible d'estimer que M. Annan - qui n'a pas usé de toutes les possibilités que lui offre la Charte de l'ONU pour trouver une solution à ce genre de problème - fait la part belle au Maroc qui ne semble pas demander plus qu'un gel en l'état indéterminé de la question, continuant tranquillement d'occuper le territoire sahraoui sans possibilité pour le peuple du Sahara occidental de se prononcer sur son avenir. Or, les Nations unies en adoptant la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 avaient clairement condamné le colonialisme et toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination dont il s'accompagne, sous quelque forme et en quelque endroit qu'ils existent, de même que la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples colonisés, (résolution 1514 sus-citée) de l'Assemblée générale, affirme et proclame solennellement la nécessité d'y mettre rapidement et inconditionnellement fin. Cela a été fait ailleurs dans des cas similaires à celui du Sahara occidental, singulièrement au Timor-Est, alors occupé par l'Indonésie. C'est le Conseil de sécurité qui avait, au début de ce millénaire, obligé Jakarta à organiser un référendum d'autodétermination pour le peuple timorais. Pourquoi ce qui a été possible (ou rendu possible) au Timor-Est ne pouvait-il pas l'être au Sahara occidental? Le Maroc serait-il plus puissant que ne l'était l'Indonésie pour faire plier la communauté internationale à ses desiderata? Certes non ! Il y a là un cas flagrant d'occupation d'un territoire étranger de la part du Maroc, et le Conseil de sécurité de l'ONU est suffisamment équipé en l'occurrence pour faire respecter par Rabat les résolutions de l'ONU sur cette question de décolonisation. La question n'est pas en effet d'imposer une solution, comme le déclarent certaines parties, indirectement intéressées par le dossier, mais de faire appliquer par le Maroc toutes les lois internationales afférentes à un dossier qui demeure une question de décolonisation et non point, comme tente de le faire accroire le royaume chérifien, un contentieux algéro-marocain soluble dans des négociations entre Alger et Rabat. Les efforts de Paris, et accessoirement ceux de Madrid, tentant d'accréditer la bilatéralité algéro-marocaine du dossier sahraoui ayant échoué, il faut revenir à la réalité qui reste la prise en charge totale de la question du Sahara occidental par l'ONU en amont et en aval, tant il est vrai que l'organisation d'un référendum d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental reste du seul ressort des Nations unies et d'elles seules, comme cela avait été le cas au Timor-Est et dans d'autres contrées confrontées à ce type de problème (cf. le Kosovo pris en charge par l'ONU, qui y a organisé samedi des élections législatives). Depuis des décennies, et singulièrement depuis l'accord de cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le Front Polisario, parties belligérantes au Sahara occidental, Rabat n'a fait que gagner du temps, acceptant les accords d'Houston, et diverses résolutions, pour ensuite revenir sur ses engagements et même dénoncer des accords qu'il a cosignés. Les dérobades du Maroc sont connues de tous sans que cela fasse agir ou réagir notamment les Nations unies. Ne pas imposer une solution au Maroc certes, alors c'est le Maroc qui, tout en bafouant les lois internationales, continuera à gérer à sa guise un territoire ne lui appartenant pas. Or, cette occupation marocaine du Sahara occidental ne crée pas, et ne créera jamais quelle que soit sa durée, la légitimité du Maroc sur ce territoire car viendra un jour ou il faudra bien rendre des comptes. Il est curieux à ce propos d'entendre le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, dire à propos de l'occupation de Gibraltar par la Grande-Bretagne qu' «il est très étrange que l'on commémore dans l'Union européenne, en plein XXIe siècle, l'occupation d'une partie d'un Etat membre par un autre». En effet, mais cette étrangeté s'applique aussi bien à l'Espagne qui, en plein XXIe siècle, occupe des territoires qui ne sont pas les siens, Ceuta et Melilla, villes marocaines, de même que le Maroc qui occupe lui aussi un territoire non autonome, le Sahara occidental. Quand le consensus ne parvient pas à solutionner un problème de cet ordre, le mieux est encore de faire appliquer le droit international, qui reste le droit des peuples à l'autodétermination et à l'indépendance, qui est le seul moyen d'arriver à une issue pacifique et cette obligation reste de la responsabilité pleine et entière des Nations unies qui sont tenues d'assurer à tous les peuples colonisés le droit à s'autodéterminer et à se prononcer sur leur devenir.