Le chef de l'Etat, gêné aux entournures par ce régime « hybride », veut aller vers un pouvoir présidentiel. L'ensemble des observateurs, une fois passés les premiers flottements de la surprise, se sont accordés pour dire que «Bouteflika, en annonçant en ce cinquantenaire, une consultation référendaire, compte bien y introduire quelques amendements à la Constitution». La meilleure preuve, semble-t-il, en est le fait que le chef de l'Etat a expliqué son recours à la consultation directe du peuple par le fait que la Constitution ne lui octroie pas les pouvoirs que lui prêtent certains. Il était allé encore plus loin dans son discours en soulignant que ses fameux 84,99 % de voix favorables sur les suffrages exprimés lors de la dernière présidentielle ont beau flatter son ego et lui accorder une relative liberté de manoeuvre face à l'opposition ainsi qu'à sa coalition gouvernementale et parlementaire, ils ne lui en accordent pas pour autant plus de prérogatives que ce que prévoit la Constitution, texte fondamental de la République algérienne. Le président Bouteflika, qui a déjà mis «out» l'ANP sur le plan politique, a clairement signifié au Parlement, dont les prérogatives constitutionnelles peuvent s'avérer fatales pour ses réformes, qu'il en espérait une carte blanche dans le cadre de la poursuite de ses réformes. Le chef de l'Etat, lors de la consultation référendaire, que les observateurs prévoient pour le début de l'année prochaine, projetterait de rendre de nouveau illimité le nombre de mandats présidentiels comme l'a fait tout récemment avant lui le voisin tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali. Il est également possible que l'Algérie copie le modèle français en adoptant des mandats septennaux. Une bonne partie des citoyens et des observateurs, comme le prouvent les résultats de l'élection présidentielle, estiment que Bouteflika est actuellement l'homme de la situation. Il ne peut donc pas abandonner l'Algérie au milieu du gué une fois expiré son second mandat. Dans le même ordre d'idées, selon de nombreuses sources proches du Palais d'El-Mouradia, «Bouteflika n'a jamais caché son hostilité au fait que cette Constitution, en quelque sorte hybride, soit située à cheval entre les régimes présidentiel et parlementaire». La réforme de l'Etat, mais aussi de toute la République, passe donc nécessairement par celle du mode de fonctionnement et d'élection de ses structures, ainsi que les différents rapports devant les lier. Si quelques questions devaient se poser à propos du choix qui serait celui du président, point besoin de chercher bien loin à la simple évocation d'une très remarquée sortie d'Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement et secrétaire général du RND, lors d'une conférence de presse. Il avait en effet souligné, avec cette ironie qui le caractérise, qu' «il faudrait sans doute à l'Algérie des siècles de pratiques et d'apprentissage démocratique avant d'en arriver à un régime véritablement parlementaire». Bouteflika, qui jouit dès lors d'un plébiscite populaire, ne peut que profiter de la conjoncture tant qu'il a le vent en poupe, quitte à désavouer au passage son chef du gouvernement, lequel s'écriait qu'il n'y aurait jamais de référendum. Bouteflika, qui dit craindre être la cause de nouveaux drames que vivrait l'Algérie en cas d'application de la réconciliation nationale, prévoyant notamment une «amnistie générale», veut ainsi en appeler au peuple. Une pareille amnistie, dont ne serait pas exclus les crimes de sang, concernerait également les services de sécurité, responsables de dérapages qui ne pouvaient en aucune façon être totalement évités durant la très grave conjoncture qu'a vécue l'Algérie durant la décennie 90. Farouk Ksentini, qui développe un son de cloche très objectif et qui se trouve être le plus proche de la réalité, admet pour sa part ces quelques dépassements, sans que ceux-ci n'aient été à aucun moment institutionnalisés, ni cautionnés en haut lieu puisque, comme se plaît à le répéter cet homme de loi aux familles des disparus, «le premier disparu à cette époque était bel et bien l'Etat». Ce cinquantenaire, en outre, a été la meilleure occasion pour beaucoup de tourner la page et d'étouffer les rancoeurs afin de s'atteler aux strictes tâches édificatrices après autant de perte de temps. Bouteflika mettrait également en branle, à l'occasion de cette consultation référendaire, les amendements nécessaires à la poursuite de ses grandes réformes. Son discours de ce dimanche au Palais des nations nous en offre, du reste, les principales clés. Il y révèle, en effet, avoir accordé le plus clair de son premier mandat à des activités diplomatiques, lesquelles ont permis à l'Algérie de reprendre sa place dans le concert des nations. Or, les défis qui restent encore à relever, dans un pays où, comme le reconnaît Bouteflika lui-même, la bureaucratie et la corruption sont omniprésentes, nécessite forcément beaucoup plus de temps que ce second mandat. «Les blocages que le chef de l'Etat rencontre dans la plupart de ses démarches renseigne assez sur la puissance de feu dont disposent encore les partisans du statu quo», expliquent en substance nos sources. Bouteflika, qui inscrit quand même ses réformes sous le titre générique de réconciliation nationale, dont la concorde civile n'était que le prélude, ne peut sans doute pas laisser en reste la Kabylie. Lui qui avait déjà signifié que tamazight ne saurait devenir langue officielle sans référendum, peut également profiter de cette consultation populaire pour parachever le processus de recouvrement de l'identité nationale.