Christopher Ross et Ramtane Lamamra Le chef de l'Etat français a choisi de se rendre au Maroc au moment où le diplomate américain effectue une tournée dans la région. Le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU a été reçu tour à tour, hier au siège du ministère des Affaires étrangères, par le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra, et par le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel. Le chef de l'Etat français se trouvait au Maroc au moment où le diplomate américain a atterri dans la capitale algérienne. Simple coïncidence ou agenda planifié? La question reste posée. Il faut cependant souligner que le voyage du président français intervient alors que l'Afrique met la pression sur l'ONU pour que soit organisé un référendum d'autodétermination qui puisse permettre au peuple sahraoui de s'exprimer librement quant à son indépendance comme le lui garantissent les résolutions votées par le Conseil de sécurité. Comme elle compte démanteler la dernière colonie existante sur ses terres, oeuvre du Maroc, alors que le dossier sahraoui se trouve dans un statu quo, entretenu par le pouvoir marocain, qui peut déboucher sur l'irréparable au moment où la région est déjà sujette à la déstabilisation. François Hollande s'est-il rendu au Maroc pour convaincre Mohammed VI de retourner à la table des négociations? Très possible, si l'on se réfère aux condamnations dont a fait l'objet notre voisin de l'Ouest par les présidents de l'Union africaine et de l'Afrique du Sud juste avant que ce dernier ne s'envole à Washington pour prendre part à la 70ème assemblée générale de l'ONU. Le Maroc qui a réussi jusqu'à aujourd'hui à se faufiler à travers les mailles du filet de la légalité internationale est cette fois-ci cloué au pilori. Le colonisateur marocain est prié de faire ses valises du Sahara occidental sans ménagement. D'ailleurs, peut-on s'y prendre autrement avec un Etat qui a décidé de priver un peuple de sa liberté? Les messages qui lui ont été adressés résonnent comme des mises en demeure. L'UA veut bouter le Maroc du Sahara occidental dont il a annexé les territoires depuis 1975. Les hautes instances africaines ont décidé de prendre les choses en main. Elles le disent sur le ton de la révolte, à la hauteur de la mission émancipatrice de leurs peuples, qu'elles se sont assignée. «Il reste une tâche à accomplir, parce que la mission émancipatrice de l'OUA (rebaptisée UA, Ndlr) a été accomplie à l'exception de la région du Sahara occidental», avait souligné la présidente de la Commission de l'Union africaine Nkosazana Dlamini-Zuma au mois de mai dernier lors de la cérémonie de célébration des 52 ans de la fondation de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Le Sahara occidental «est le dernier avant-poste de l'occupation coloniale en Afrique, qui doit être démantelé dans l'accomplissement de la vision des pères fondateurs, à lutter pour une Afrique pleinement indépendante et souveraine», avait déclaré lors de cette commémoration Robert Mugabe, président du Zimbabwe et président en exercice de l'Union africaine. Mardi dernier le président sud-africain est revenu à la charge. «Nous croyons que le temps est venu pour l'ONU de déterminer une date pour la tenue d'un référendum d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, la dernière colonie en Afrique», a déclaré Jacob Zuma lors d'un point de presse, sur la paix et la sécurité, animé à Pretoria avant qu'il ne prenne le chemin de la 70ème session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies pour y faire résonner la cause du peuple sahraoui. La France qui reste un des soutiens indéfectibles du Maroc dans le conflit qui l'oppose au Front Polisario a de moins en moins de marge de manoeuvres pour continuer à couvrir les exactions marocaines. Une position bancale dans laquelle se retrouve l'Hexagone qui intervient en Syrie, en Afghanistan ou au Mali au nom de la liberté et qui ferme les yeux sur la violence et la pratique de la torture exercées par les forces de répression marocaines contre la population sahraouie. Il n'est donc pas exclu que François Hollande l'ait chuchoté dans le creux de l'oreille de Mohammed VI...