Toutes les mesures coercitives prises par l'Etat ne suffisent pas à juguler cette véritable hécatombe. Une fois de plus, la sonnette d'alarme est tirée. La route tue de plus en plus de personnes sans qu'il soit possible d'y remédier efficacement avec les moyens déployés jusque-là. 3205 morts, 48.410 blessés et 32 738 accidents. Voici en quelques chiffres ramassés le triste bilan des accidents de la route durant les 9 premiers mois de l'année en cours. Comparativement à l'année précédente où 4 343 morts, 63.699 blessés et 43.227 accidents ont été enregistrés, ces chiffres montrent à quel point ce fléau a continué de suivre une courbe ascendante sans que personne puisse y faire quelque chose. Le phénomène s'aggrave de jour en jour. On enregistre quotidiennement une moyenne de 118 accidents avec 12 morts et 175 blessés, soit 10 accidents, un mort et 14 blessés toutes les deux heures. Désormais, l'Algérie est au 4e rang mondial des accidents de la route derrière les Etats-Unis, l'Italie et la France ,et occupe la 1re place dans le Maghreb et le Monde arabe, raison pour laquelle les spécialistes tirent la sonnette d'alarme. L'élément humain (conducteurs et piétons) est la cause de 87 % des accidents, les 13 % restants sont dus au mauvais état des routes, aux véhicules et à l'environnement. Le ministère de la Santé déplore, de son côté, les surcoûts engendrés essentiellement par la prise en charge médicale et psychologique des blessés des accidents de la route auxquels il consacre 25 % de son budget. Nombre de handicapés à vie nécessitent des traitements adaptés et de longue durée, «avec des coûts très élevés», déplorent les responsables du secteur. Ils expliquent, en outre, que ce genre de blessés étaient transférés, par le passé à l'étranger et qu'une durée de traitement de six mois pour un paraplégique revenait à 500 millions de centimes couverts par la sécurité sociale. Le fléau des accidents de la route est tellement préoccupant que le président Bouteflika lui-même en avait fait cas, lors d'un de ses discours avant de mettre en branle une série de mesures qui, hélas, ne semblent avoir été d'aucun effet. Le président, pour rappel, avait souligné au début de cette année, lors d'un séminaire national sur les accidents de la route, que «la lutte contre ce fléau doit constituer dorénavant un combat réel et sans répit». Entre 1994 et 2003, avait-il encore relevé, les services de la Sûreté nationale ont enregistré un total de 319.000 accidents corporels de la circulation, ayant causé 38.800 morts et 427.000 blessés. Il avait enfin noté qu'en plus de ce très lourd bilan en vies humaines, ces accidents engendrent dans notre pays une perte financière de l'ordre de 400 millions de dollars par an, selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé. Le ministère, de son côté, a relevé que les accidents de la circulation sont à l'origine de 95 % de cas de traumatismes crâniens et de 80 % de cas de séquelles invalidantes et les jeunes entre 15 et 30 ans représentent 29 % des personnes tuées lors de ces accidents. Ces accidents sont à l'origine annuellement de handicaps chez 3000 personnes et coûtent annuellement à la trésorerie de l'Etat des sommes colossales, indique pour sa part le Centre national de prévention et de sécurité routières (Cnpsr), relevant du ministère des Transports. Le centre explique également que le déséquilibre créé entre le manque d'infrastructures de base et le nombre croissant des véhicules est un facteur non négligeable dans la hausse des accidents. Dans ce contexte, le centre précise que le parc automobile national a atteint les 4.500.000 engins et que pour la seule ville d'Alger, ce chiffre a atteint les 200.000 engins durant l'année 2004. Le Cnpsr révèle également que le transport des personnes ou de marchandises à travers le réseau routier a atteint 85% au moment où le transport par voie ferroviaire par exemple reste relativement faible, ce qui encombre encore plus les routes nationales. Au niveau législatif, les pouvoirs publics ont tenu à renforcer le caractère coercitif du code de la route à travers la révision de la loi 01/14 d'août 2001, relative à la police de régulation de la circulation routière qui a été soumise au débat à l'APN, lors d'une session parlementaire. Ce projet de loi qui a été adopté par l'APN, il y a de cela environ deux mois, vise notamment à sanctionner les conducteurs irrespectueux du code de la route à travers la mise en fourrière des voitures, le retrait immédiat du permis de conduire en élargissant la liste des cas de retrait de ce permis de 15 à 26 cas. L'interdiction de l'utilisation du téléphone portable, le port obligatoire de la ceinture de sécurité pour les conducteurs et les passagers, l'interdiction de mettre un enfant de moins de dix ans à l'avant du véhicule, l'augmentation des amendes en cas de conduite en état d'ébriété et la sanction des conducteurs de voitures non conformes aux normes en vigueur, ont été parmi les points inclus dans ce texte de loi. Cette loi, quoique entrée en vigueur, ne semble avoir été d'aucun effet. La question se pose donc, avec acuité sur sa véritable efficacité. A moins que les services de sécurité ne continuent à se montrer peu regardants sur ces infractions, accaparés qu'ils sont par la lutte antiterroriste et le banditisme.