L'«armée irakienne» constitue depuis plusieurs mois la cible privilégiée de la guérilla irakienne. Un attentat suicide a visé hier, près de Bagdad, un convoi de la Garde nationale irakienne. Dix-huit militaires, un civil et le kamikaze ont été tués dans cet énième attentat commis contre la Garde nationale, un détachement de la nouvelle armée irakienne que les forces américaines tentent de mettre sur pied. Cette «armée irakienne», que les Etats-Unis veulent former, doit, selon ses initiateurs, prendre à terme la relève des GI's et des marines américains. Cibles privilégiées de la guérilla irakienne, les gardes nationaux irakiens éprouvent en fait moult difficultés à se mettre dans l'optique de la sécurisation du pays. De fait, dans un communiqué diffusé sur un site Internet à Ramadi, le groupe de l'islamiste jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui, proche d'Al Qaîda, a annoncé l'exécution de cinq gardes nationaux, sans pour autant préciser quand cette exécution a eu lieu. Un policier avait découvert, le 27 décembre dernier, dans la ville de Ramadi, les cadavres de cinq personnes habillées en civil, qui pourraient être les militaires dont Al-Zarqaoui a revendiqué l'exécution. Mardi dernier, dans un autre attentat, dans la région nord de Bagdad, 34 policiers ont été tués lors d'une embuscade tendue par les guérilleros. En réalité, depuis le transfert du pouvoir au gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui, au début du mois de juillet dernier, par l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, la situation sécuritaire en Irak avait empiré, avec la multiplication des attentats suicides et à la voiture piégée, les attaques contre les responsables civils et militaires et les prises d'otages, violences quasi quotidiennes dont sont victimes autant les Irakiens que les étrangers. En fait, l'Irak sous la férule de Iyad Allaoui va vers le chaos absolu. Ainsi, des centaines d'Irakiens, dont des dizaines de policiers et de gardes nationaux, ont été tués et des milliers blessés. Outre les 20 morts recensés lors de l'attaque suicide hier contre les gardes nationaux, la journée du 2 janvier aura été particulièrement sanglante avec l'assassinat de près d'une quinzaine de personnes, dont le gouverneur, le chef du Conseil de province de Diyala (chef-lieu à Baâqouba). La recrudescence de la violence et des opérations tous azimuts de la guérilla n'annoncent pas des jours meilleurs pour l'Irak, contrairement à ce que déclarait samedi le Premier ministre Iyad Allaoui, à l'occasion du nouvel an, en indiquant que «(...) l'Irak sera solide et fort. L'Irak sera uni et sera un élément efficace pour la paix et la stabilité dans le monde» Par ailleurs, les forces d'occupation américaines ont perdu, durant cette même période (juillet à décembre 2004), plus de 500 soldats. Six mois qui ont été particulièrement meurtriers pour les forces américaines présentes en Irak, portant l'ensemble des pertes américaines depuis le 1er Mai 2003 à près de 1400 personnes. De fait, ce début de la nouvelle année, avec l'approche des élections générales le 30 janvier prochain, s'annonce décisif pour un pays qui se cherche encore et tente de se stabiliser. Toutefois, les choses ne se présentent pas aussi positivement que ne l'espéraient les stratèges américains qui ne semblent pas avoir pris en compte, dans leurs calculs, les possibilités de résistance de la population irakienne contre l'occupation étrangère. Aussi, les élections de la fin janvier se présentent-elles très mal tant pour la stabilité future du pays, par la menace de boycott des sunnites, minoritaires certes, mais principale force politique du pays, dont l'absence aux élections rendra sans signification le scrutin du 30 janvier de l'autre. Mais il y a aussi, en prolongement des ces élections, les menaces de partition du pays d'une part, de l'internationalisation de la guerre en Irak d'autre part. En effet, le fait nouveau à relever dans la crise irakienne est la pétition réclamant l'indépendance du Kurdistan, comportant 1,5 million de signatures, présentée la semaine dernière au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, par une délégation kurde, indépendante des deux partis qui gèrent depuis 1991 le Kurdistan, l'UPK de Jalal Talabani et le PDK de Massoud Barzani. Ne se suffisant plus de la large autonomie dont ils bénéficient depuis la seconde guerre du Golfe (janvier-mars 1991), les Kurdes veulent maintenant plus et réclament l'indépendance. Cette revendication pourrait, à terme, internationaliser la guerre en Irak, par l'entrée en jeu de la Turquie et de l'Iran, notamment, dont les populations kurdes risquent de demander à bénéficier des mêmes conditions que leurs frères kurdes irakiens. De fait, si Ankara et Téhéran sont opposés au démembrement de l'Irak, c'est bien dans la crainte de voir, à leur frontière, naître un Kurdistan indépendant. Les Kurdes qui éliront, parallèlement aux élections générales du 39 janvier, leur propre Parlement de 111 membres, constituent d'ores et déjà l'inconnu de l'échiquier irakien.