Il y a des sujets sensibles, tels que le nucléaire, qui sont, restent, l'exclusivité d'un quarteron d'Etats. En fait, un Etat: les Etats-Unis qui se sont arrogés le droit de donner le «la»! Des textes universels existent certes, qui organisent les rapports au nucléaire, mais ne s'appliquent pas de la même manière à tous. Nous nous sommes souvent demandé, dans ces colonnes, si Israël ne serait pas un «Etat hors normes», tant il apparaissait au-dessus du droit international et des lois qui organisent les rapports entre les nations. Cette interrogation a trouvé sa réponse dans une déclaration de l'ancien secrétaire états-unien à la Défense [de George W. Bush] Donald Rumsfeld. Selon ce dernier, Israël [qui n'a pas signé, ni ratifié les traités et conventions internationaux sur le nucléaire (en particulier le TNP [Traité de non-prolifération] et le Ctbt [interdiction des essais nucléaires] est un Etat «hors normes internationales». En clair, les lois qui s'appliquent à tous les Etats, en particulier dans le vecteur du nucléaire, ne sont pas applicables à l'Etat hébreu. De même, Israël n'est pas concerné par la dénucléarisation des pays du Moyen-Orient. Il fallait seulement que quelqu'un le confirme. Ce que fit Donald Rumsfeld en 2007, alors qu'il proposait une dissuasion «crédible» pour les Etats-Unis. C'est dans ce contexte qu'il est revenu sur les challenges sécuritaires auxquels les Etats-Unis devront faire face, évoquant les adversaires «classiques», Russie et Chine, les Etats «voyous» (Iran, Corée du Nord) et le terrorisme... Ainsi, selon lui, les pays engagés dans l'aventure nucléaire (une quarantaine de pays sans compter les cinq officiellement dotés de l'arme nucléaire (les Edan): les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne) sont donc des ennemis potentiels des Etats-Unis. Israël est exclu de cette liste, [ainsi que l'Inde et le Pakistan], considéré en conséquence comme pays «hors normes internationales». On peut se demander pourquoi ces trois pays? Et eux seuls? De fait, un seul point relie ces trois pays: ils n'adhèrent pas au TNP et n'ont pas ratifié le Ctbt. Toutefois, il existe une dissemblance de taille: l'Inde et le Pakistan ont joué franc jeu, n'ont pas caché leur intention et annoncé officiellement leurs essais nucléaires, cela malgré qu'ils ne sont toujours pas admis dans le «club nucléaire» formé des cinq «Etats parties dotés d'armement nucléaires». Ce qui n'est pas le cas pour Israël, lequel ne confirme ni n'infirme posséder l'arme nucléaire jouant l'ambiguïté. Selon les experts, notamment états-uniens, Israël est doté de 180 à 300 ogives nucléaires. La communauté dite «internationale» est au fait de la chose, mais feint de ne pas savoir. On peut donc, harceler durant des années et sanctionner l'Iran, sur la seule présomption de s'intéresser au nucléaire militaire, mais on ne touche pas à Israël, dont l'arsenal nucléaire échappe à tout contrôle et expertise internationaux. La meilleure illustration a été donnée par l'ancien directeur de l'Aiea, Mohammed El Baradeï. En visite à Tel-Aviv au début des années 2000, il avait d'emblée averti qu'il n'est pas en Israël pour discuter [encore moins demander des explications] de l'arsenal nucléaire israélien. De fait, les Etats-Unis ont mis leur veto à un deuxième mandat de M.El Baradeï, parce qu'il refusa de noircir plus que de raison, le cas iranien. A partir de là, on nous raconte des bobards sur la sécurité pour les uns et pour tous. De fait, des pays forts de leur puissance (ou d'autres parce qu'ils sont protégés) ont tous les droits et, le droit international, notamment dans son volet sensible des ADM, ne s'applique pas à eux. Ainsi, les Etats-Unis, qui encouragent tous les pays (y compris les micro-Etats) à parapher le TNP et le Ctbt, n'ont pas eux-mêmes ratifié, ce dernier. Or, pour qu'il entre en vigueur le Ctbt doit être ratifié par les 44 pays classifiés par l'Aiea comme étant au seuil du nucléaire. Ainsi, les Etats-Unis qui exigent que tous les pays se conforment aux traités et protocoles sur le nucléaire, bloquent l'entrée en vigueur du Ctbt et se réservent le droit de passer outre, de même que leur protégé israélien qu'ils ont mis sur un piédestal, le soustrayant ainsi au droit international. Dans les faits, les Etats-Unis qui s'activent, tous azimuts, pour soi-disant conforter la sécurité du monde, ont rendu caducs des textes de lois (TNP, Ctbt) dès lors que ceux-ci ne s'appliquent pas à tous de la même manière. Le TNP et le Ctbt sont en outre fragilisés par les velléités des Etats-Unis de les réviser à leur convenance ou refusent de les ratifier. George W. Bush avait tenté, en 2001, de faire amender le TNP en proposant une nouvelle Révision de la posture nucléaire (Nuclear Posture Review ou NPR). Tous les observateurs avaient estimé à l'époque que cette demande allait à «l'encontre de tous les principes fondamentaux du TNP». Ils avaient même lancé un cri d'alarme en considérant que le NPR risque «d'asséner un coup mortel au TNP et, ce faisant, relancer une nouvelle vague de prolifération nucléaire qui pourrait avoir des résultats désastreux pour la sécurité de la planète». Et ce sont les Etats-Unis qui invectivent et donnent des leçons aux autres...