Il réunira les 12 et 13 avril courant, un Sommet international sur la sécurité nucléaire, à Washington, avec près d'une cinquantaine d'invités. Selon le porte-parole de la Maison-Blanche, «le but de ce Sommet est de discuter des mesures que nous devons prendre à titre collectif pour assurer la sécurité des matériaux nucléaires vulnérables et empêcher des actes terroristes nucléaires». Depuis les attentats du 11.09.2001, la menace de tels actes commis avec une bombe radiologique, communément appelée bombe sale (ou avec des produits chimiques ou bactériologiques) est devenue une des principales préoccupations sécuritaires des Etats-Unis. La sécurité nucléaire, thème du Sommet de Washington, est liée à la question du renforcement du TNP, une question controversée qui dominera la Conférence d'examen en mai 2010. Le discours de Prague constitue, désormais, la référence pour les Etats-Unis en matière de politique nucléaire. Le président Obama avait tracé un programme ambitieux en matière de non-prolifération et de désarmement, qu'il s'évertue d'appliquer. Un bref aperçu sur les actions annoncées à Prague permet d'en situer les difficultés: 1-Réduire le rôle des armes nucléaires dans la stratégie de sécurité des Etats-Unis: le 6 avril 2010, le président Obama a publié une nouvelle stratégie nucléaire (NPR = Nuclear Posture Review, elle fixe la façon dont les armes nucléaires sont utilisées pour servir l'intérêt national) qui réduit les circonstances d'emploi de l'arme nucléaire, mais ne l'interdit pas complètement contre tous les Etats qui n'en sont pas dotés. Ceci est le résultat d'un compromis laborieusement négocié au sein de l'administration actuelle entre ceux qui sont favorables à une «dissuasion étendue» et ceux qui veulent que l'arme nucléaire ait pour «objet unique» de dissuader une autre puissance nucléaire. 2- Faire un pas dans le sens du désarmement en négociant avec la Russie un nouveau Traité sur la réduction des armes stratégiques connu sous l'acronyme Start (Strategic Arms Réduction Treaty), pour remplacer Start I qui a expiré le 5 décembre 2009: le nouvel accord, conclu pour dix ans et comportant une clause de retrait unilatéral, fixe à 1550 le plafond des têtes nucléaires et à 800 celui des vecteurs basés à terre et en mer. Les réductions sont modestes comparées à celles des précédents accords: Start I et II en 1991 et 1993 et Sort en 2002. En outre, elles doivent être déjà couvertes par les réductions unilatérales opérées par les deux puissances durant les dernières années pour raison d'économie ou d'obsolescence des armes. Le nouveau Start a surtout pour fonction immédiate de servir d'argument aux Etats-Unis et à la Russie lors de la Conférence d'examen du TNP. C'est un écran de fumée pour tenter de faire oublier la modernisation et la pérennisation de leurs arsenaux nucléaires et leur refus de négocier de «bonne foi» un accord international sur le démantèlement de ces arsenaux, conformément aux obligations du TNP. La ratification du nouveau Start sera hasardeuse, surtout pour le président Obama, et son application aléatoire tant que certains problèmes existent entre les deux puissances. La Russie n'apprécie pas la mise en place du bouclier antimissile en Europe, la militarisation de l'espace par les Etats-Unis, l'élargissement de l'Otan et sa tendance à jouer un rôle mondial. Sans compter la nouvelle catégorie d'armes conventionnelles du programme «Prompt Global Strike» (frappe mondiale immédiate) du Pentagone. 3-La ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Tice, plus connu sous le sigle anglais Ctbt = Comprehensive Test-Ban Treaty): Conclu après trois ans de négociations par la Conférence de désarmement de Genève et signé en 1996, il n'est toujours pas ratifié par le Sénat. Le président Obama a fait de cette ratification une de ses priorités en matière de désarmement. Plusieurs sénateurs républicains, dont John McCain son ancien rival à la course à la Présidence, font campagne contre la ratification du Ctbt - et contre toute mesure de désarmement, donc y compris contre le nouveau Start. 4-La négociation d'un Traité d'interdiction de la production des matières fissiles (plutonium et uranium hautement enrichi). Après l'adoption de son Programme de travail le 29 mai 2009, le premier depuis plus de 12 ans, la Conférence de désarmement de Genève s'est enlisée dans des discussions organisationnelles qui marquent en réalité des divergences de fond entre ses membres. Le débat, ancien, porte sur le champ d'application du futur traité: faut-il prendre en charge ou non les stocks existants, comme le demandent les pays non alignés (à part l'Inde) qui insistent sur les dimensions non-prolifération et désarmement, ou bien se limiter à la production future comme l'exigent les puissances nucléaires et l'Inde à laquelle s'oppose le Pakistan. Ce débat plombe les discussions sur les matières fissiles depuis des années et il n'est pas près de prendre fin. 5- Le renforcement du TNP, lors de la prochaine Conférence d'examen: c'est le principal objectif des Etats-Unis et de leurs alliés. C'est dans cette perspective que s'active le président Obama depuis le discours de Prague, le 5 avril 2009. Il a ensuite mobilisé le G.8 lors du Sommet de L'Aquila en juillet, pris l'initiative de réunir et de présider un Sommet du Conseil de sécurité sur les questions de non-prolifération et de désarmement nucléaires en septembre, adopté une nouvelle stratégie nucléaire plus soft que celle de son prédécesseur, le 6 avril 2010, renoncé aux éléments du bouclier antimissile qui devait être placé en Pologne et en République tchèque, pour ouvrir la voie au nouveau Start signé le 8 avril 2010 à Prague avec quatre mois de retard. Le tout sera couronné par le Sommet des 12 et 13 avril à Washington qui apparaît comme une ultime réunion préparatoire à la Conférence d'examen du TNP de mai prochain. Pour renforcer le TNP, les Etats-Unis proposent principalement de: -dégager plus de ressources pour renforcer les inspections internationales immédiates des sites nucléaires et mettre plus d'autorité en prévoyant des «punitions» réelles et rapides pour dissuader les «Etats hors normes» (Iran, Corée du Nord). Cette proposition est difficile à faire accepter dans sa deuxième partie alors que le Protocole additionnel de l'Aiea n'est pas encore devenu la norme en matière de vérification depuis 1997; -mettre en place une banque du combustible nucléairee: une ancienne idée avancée dans le programme «Atoms for Peace» (atome pour la paix) du président Eisenhower en 1953. Remise au goût du jour à l'occasion de la crise iranienne et défendue par Mohamed El Baradei au nom de l'Aiea, elle est appuyée par les puissances nucléaires et leurs alliés. La France a pris les devants en convoquant à Paris une conférence internationale sur le nucléaire civil en mars dernier. La Russie a mis en production une usine du combustible nucléaire à Angarsk (Sibérie), ouverte à l'actionnariat dans sa partie commerciale seulement. Le marché du nucléaire s'annonce juteux: selon la World Nuclear Association, il représenterait des centaines de milliards de dollars d'ici à 2030, période durant laquelle environ 450 réacteurs devraient être construits dans le monde. Le projet de banque du combustible est simple dans sa formulation: les Etats non dotés d'armes nucléaires, membres du TNP, donc soumis aux garanties de l'Aiea, recevraient du combustible pour leurs centrales nucléaires, en contrepartie ils s'engageraient à ne pas en produire donc à renoncer à l'enrichissement de l'uranium à des fins civiles. En revanche, la concrétisation de ce projet n'est pas aisée et ses implications sont hasardeuses pour différentes raisons. Disons tout simplement: - qu'il aboutirait à terme à une Opep à l'envers, qui serait composée de quelques pays producteurs et exportateurs de combustible nucléaire, essentiellement les cinq puissances nucléaires; - qu'aucun Etat ne souhaite mettre entre les mains d'Etats tiers son indépendance énergétique s'il peut l'assurer légalement et techniquement par ses propres moyens; - que les Etats non dotés d'armes nucléaires trouvent injuste d'être soumis à de nouvelles obligations non prévues par le TNP alors que les puissances nucléaires continuent d'ignorer certaines dispositions centrales de cet instrument par ailleurs discriminatoire et illégitime, car il crée deux souverainetés inégales. Il n'est pas surprenant que le projet de banque du combustible nucléaire, discuté depuis plusieurs années à Vienne, rencontre le scepticisme sinon l'hostilité des pays non alignés qui seraient les plus grands perdants du «renforcement du TNP». Tout ceci sous prétexte que les matériaux nucléaires doivent être sécurisés pour ne pas tomber entre des mains indésirables. Il y a d'autres moyens pour arriver à ce résultat que ceux qui consistent, en fin de compte, à priver les Etats non dotés d'armes nucléaires du «droit inaliénable» à l'énergie nucléaire pacifique qui est le fondement de l'équilibre du TNP. Et les pays arabes dans tout ça? Lors de la 3e Conférence préparatoire à la Conférence d'examen du TNP, en mai dernier, la déléguée américaine a invité les pays nucléaires de facto, soit l'Inde, le Pakistan et Israël, à adhérer au TNP. Le fait qu'Israël soit publiquement et nommément rappelé à l'ordre sur un dossier aussi sensible, alors qu'il n'a jamais reconnu ni nié la possession d'armes nucléaires (doctrine de l'ambiguïté) est une première. Ceci explique l'absence annoncée de Netanyahu au Sommet de Washington. Est-ce un signe prometteur de l'administration Obama? Les résultats de la Conférence d'examen du TNP seront édifiants sur ce point, car la vieille question concernant «le Moyen-Orient zone exempte d'armes nucléaires» figure à l'ordre du jour. On sait qu'une percée sur cette question changerait la donne dans cette région volatile. Elle passe par l'adhésion d'Israël au TNP et la conclusion d'accords de garanties avec l'Aiea ainsi que le démantèlement de son arsenal nucléaire comme ce fut le cas pour l'Afrique du Sud en 1991. Mais comment ce pays accepterait-il le grand écart, lui qui menace de bombarder les installations nucléaires iraniennes, comme il l'a fait en Irak en 1981? Lui qui est prêt à tout pour conserver le monopole nucléaire au Moyen-Orient? (et c'est là qu'il faut chercher la raison de son acharnement contre l'Iran). De tous les problèmes concernant le délicat dossier du nucléaire que le président Obama devra affronter, celui d'Israël est le plus difficile. C'est sur cette question que les pays arabes devraient se focaliser, car elle conditionne la paix au Moyen-Orient plus que le nucléaire iranien. (*) Diplomate