Le succès d'Ouyahia dans le bras de fer qu'il engage avec les «néo-redresseurs» sera celui de milliers de cadres du RND La «crise» du RND est en réalité une mue. Le parti est en train de se débarrasser de sa vieille peau que représentent les comploteurs. Ce qui se passe au RND, ces dernières semaines, est assez intéressant, parce qu'inédit dans les annales de la pratique partisane en Algérie. On a assisté à des «mouvements de redressement», des «coups d'Etat scientifiques», voire des rebellions pures et simples contre des chefs, qui finissent invariablement de la même façon. Les partis, qu'ils soient du pouvoir ou de l'opposition, sont victimes de passages en force, de comportement antidémocratique, de la part d'une des parties en conflit, généralement celle qui emporte le bras de fer et la nouvelle direction s'efforce ensuite de s'entourer d'une clientèle asservie, quitte à vider le parti de sa force vitale. La scène nationale a été le témoin de ce genre de scénarii tellement de fois que c'en est devenu l'une des caractéristiques de l'activité partisane en Algérie. Mais ces derniers temps, après les développements spectaculaires qui ont caractérisé la scène nationale, la donne politique a changé, les «outils» aussi et l'on est amené à croire que le prochain congrès du RND est une illustration parfaite des conséquences, sur le terrain partisan, de la chirurgie de pointe pratiquée par le chef de l'Etat sur le corps de la société politique nationale. Qu'on en juge: la donne au RND est sensiblement la même que celle que l'opinion a eu à constater dans un passé pas si lointain. Le secrétaire général malmené par un courant au sein de la direction du parti et le congrès, enjeu des luttes fratricides, devrait être la copie parfaite de l'une des parties en conflit. Déjà confronté à pareille épreuve, Ahmed Ouyahia avait agi en commis de l'Etat, principalement préoccupé par la stabilité de l'appareil, indépendamment de toute autre considération de carrière. Mais face à la dissidence de ces dernières semaines, le patron du RND adopte une autre posture et mise sur les militants. Il tient au congrès, ouvre la voix aux autres candidatures et défend sa position en véritable politique qui a conscience que la survie tient aussi et surtout du poids que lui conféreront les militants du RND. En d'autres termes, Ahmed Ouyahia ne cherche pas à servir le pays si on le lui demande, mais entend se donner une légitimité populaire au sein de sa formation politique. Le succès d'Ouyahia dans le bras de fer qu'il engage avec les «néo-redresseurs» sera celui de milliers de cadres du RND qui devront désormais se serrer les coudes pour exister politiquement. Il n'y a vraisemblablement plus de «parapluie», ni de parachute. A la guerre comme à la guerre, les militants du RND sentent certainement la nécessité de mouiller la chemise pour conserver leur positionnement sur l'échiquier politique. L'attitude et le discours de Belkacem Mellah ne sont certes pas, assez médiatisés, mais font tilt dans les rangs du parti. L'image que l'on avait des responsables locaux du RND commencent à changer. Personne ou presque ne peut se prévaloir d'un soutien de cercles «indéfinissables». La cooptation n'est plus de mise. En tout cas, c'est le cheval de bataille du candidat Mellah et l'acharnement de l'homme et son «audace» lors des rencontres à l'intérieur du pays, qui lui font marquer de précieux points. Même s'il sait que Ahmed Ouyahia le dépasse de plusieurs têtes, il reste qu'il se place pour d'autres échéances au sein du parti et même pour les prochaines législatives. En fait, la «crise» du RND est en réalité une mue. Le parti est en train de se débarrasser de sa vieille peau que représentent les comploteurs, ceux qui travaillent pour des congrès «sur mesure», semblent un peu perdus et n'arrivent pas à stopper le mouvement pris par le parti depuis qu'il est question de congrès extraordinaire. Le nouveau RND, qui se renforce de jour en jour est de toute façon condamné à réussir. Car si Ouyahia et Mellah ne parviennent pas à confirmer le nouveau souffle, le parti ne résistera certainement pas à une cure «démocratique», à la lumière de la nouvelle donne politique qui s'est dégagée du chamboulement politico-sécuritaire, opéré par le président de la République. Ainsi, le directeur de cabinet de la Présidence est, bien malgré lui, une sorte de porte-drapeau de la nouvelle scène politique nationale. Il doit réussir un congrès démocratique, donner du tonus à son parti, amener les militants à rester connectés à la société, développer un discours qui porte et déployer un programme sérieux qui ne tienne plus compte des alliances et autres trouvailles d'appareils. La grande mission d'Ouyahia pourrait avoir des allures de mission impossible, mais sa survie politique en est intimement liée.