Incapable de réunir l'ensemble des députés socialistes sur le texte - malgré des compromis - le gouvernement a décidé de l'imposer en prenant le risque d'une motion de censure. Une majorité en miettes, des réformes avortées ou aux forceps, des manifestations émaillées de violences... A onze mois de la présidentielle, le président français François Hollande, au tréfonds des sondages, accumule les déconvenues sans sembler toutefois avoir renoncé à se représenter en 2017. «Quelle pétaudière!», titrait hier le quotidien Le Parisien, pour résumer le sentiment général au lendemain d'un débat cinglant au Parlement accompagné de scènes chaotiques dans les rues. En jeu, le sort d'une réforme du code du travail qui a jeté des centaines de milliers de salariés et étudiants dans les rues depuis plus de deux mois. Inquiets que cette tentative d'assouplissement des règles conduise à une plus grande précarité, les protestataires entendent poursuivre la semaine prochaine leur mouvement. Depuis son déclenchement, 300 policiers ont été blessés et 1.000 personnes interpellées, selon le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Incapable de réunir l'ensemble des députés socialistes sur le texte - malgré des compromis - le gouvernement a décidé de l'imposer en prenant le risque d'une motion de censure. La motion a échoué jeudi, la loi contestée est passée mais au prix d'un divorce consommé avec l'aile gauche du Parlement dont certains représentants ont voté la censure. La querelle couve depuis le virage «social libéral» pris début 2014 par François Hollande. Elle s'est accentuée au moment du renforcement des mesures sécuritaires à la suite des attentats jihadistes meurtriers de 2015. Dans la foulée, le président a dû annoncer l'abandon d'une réforme constitutionnelle qui prévoyait d'étendre la déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes terroristes mais divisait son propre camp, provoquant même la démission de la ministre de la Justice Christiane Taubira, figure de la gauche morale. «On ne peut être qu'inquiet devant une situation pareille, il n'y a plus de gouvernement, il n'y a plus de majorité, il y a un président de la République qui va de renoncement en renoncement», a dénoncé hier François Fillon, l'un des candidats à la primaire de la droite pour 2017. En chute continue dans les sondages, François Hollande n'est plus soutenu que par 16 à 18% des Français, du jamais vu. Cette bérézina politique suscite des vocations dans son camp, où le très populaire ministre de l'Economie Emmanuel Macron laisse entrevoir ses ambitions. Il a créé début avril un mouvement politique «En marche!» pour «faire bouger les lignes» dans la société française. Officiellement, le jeune ministre de 38 ans n'est pas candidat puisque François Hollande, 61 ans, n'a pas encore dit ses intentions pour la présidentielle de 2017. Mais rien ne dit qu'il ne pourrait pas l'être au cas où le chef de l'Etat jetterait l'éponge. Ce dernier cultive le flou, reportant sa décision à fin 2016. Il s'est engagé à ne pas être candidat à sa réélection si le taux de chômage, qui culmine à 10%, ne diminuait pas durablement. Pour l'instant cette condition n'est pas remplie mais l'économie française donne quelques signes d'embellie: la croissance a frémi à 0,5% au premier trimestre et le chômage a baissé en mars. Alors, les proches du président y croient toujours. Et rappellent à l'envi que François Hollande, réputé fin tacticien, était crédité de 3% des intentions de vote un an avant son élection en 2012... Enigmatique, François Hollande n'est «pas en campagne» mais multiplie les occasions de défendre son bilan, assurant sans ciller que la France «va mieux». «Le lien est rompu avec les Français (...) Le retisser, en quelques mois, apparaît comme une entreprise sysiphéenne. Mais il veut y croire (...) Il fait partie de ces hommes politiques qui ne renoncent jamais», relevait récemment le quotidien Le Monde. Il ne faut pas «sous-estimer l'adversaire», a mis en garde cette semaine Nathalie Kosciusko-Morizet, autre prétendante à la primaire de droite. Dans tous les sondages, il est aujourd'hui donné battu dès le premier tour de la présidentielle, prévu le 23 avril 2017.